J’ai suivi une mineure d’études religieuses à l’Université de Virginie, ce qui veut dire que mes cours d’Etudes bibliques – comme l’Ancien Testament – étaient fixés selon un programme universitaire profane qui cherchait à saper l’historicité et la divine origine de l’Ecriture Sainte. J’étais alors un fervent évangéliste et j’aspirais à une contrepartie efficace de cet enseignement universitaire, reconnaissant ses qualités et son utilité, tout en cherchant pourtant à être fidèle aux conceptions traditionnelles de la Bible comme parole inspirée, infaillible de Dieu. Avec A Catholic Introduction to the Bible: The Old Testament (Une introduction catholique à la Bible : l’Ancien Testament), récemment publié par les universitaires prolifiques que sont John Bergsma et Brant Pitre, les catholiques maintenant ont justement ce secours.
Cette introduction à l’Ancien Testament est une aide inappréciable pour le clergé, les étudiants et les laïcs aussi bien. C’est parce que Bergsma et Pitre – qui sont aussi des catéchistes renommés – opèrent à plusieurs niveaux. Comme ils l’expliquent, leur but est de contextualiser leur recherche à travers quatre thèmes dominants : 1) exégèse historique et théologie ;2) foi et raison ;3) Ecriture et Tradition ; et 4) Lecture de l’Ancien testament à la lumière du Nouveau Testament. Chaque livre de la Bible hébraïque est résumé, analysé, et expliqué à travers ces quatre prismes, avec des résultats impressionnants.
Comme toute personne qui a subi un cours profane sur l’Ecriture peut en témoigner, la position initiale pour beaucoup universitaires est un préjugé contre la Bible en tant que texte historique. C’est particulièrement sensible quand on compare cette partie de la science à celle d’autres périodes et textes historiques, particulièrement ceux qui ne font pas de déclaration universelle sur Dieu, la vérité absolue ou la morale. Bien que Bergsma et Pitre apparemment ne fassent pas partie de ce groupe, ils font preuve d’une dose remarquable de charité et de minutie à l’égard de ce type d’érudition, révisant et évaluant soigneusement ses manifestations les plus prédominantes.
Tout cela intéressera sans doute ceux qui ne sont pas familiers de l’industrie artisanale qui dure depuis des générations et qui soutient par exemple que la Torah a été écrite et éditée par quatre différentes écoles de pensée concurrentes du judaïsme, ou que David et Salomon n’ont jamais existé, ou que le livre d’Isaïe a été écrit par trois différentes personnes. Tous les gens désireux de savoir quelle attitude prendre devant de telles déclarations – souvent aussi en désaccord avec la tradition catholique – seront ravis de la justice et de l’équité des auteurs. J’ai été particulièrement amusé par le fait qu’un croquemitaine qui sévissait dans mes premlères années universitaires, John J. Collins, est fréquemment cité par les auteurs comme un universitaire dont les travaux attaquent l’historicité de la Bible.
Pour les lecteurs moins intéressés dans ces débats, ils devraient au moins comprendre le principe général suivant. Autant que nous puissions nous intéresser à l’érudition profane, nous devrions nous rappeler que le consensus académique à propos de l’Ecriture s’est dramatiquement transformé d’une génération à l’autre. De nouveaux textes, de nouvelles découvertes archéologiques, et même de nouvelles théories historiques ont considérablement bouleversé ce qui était considéré comme une question « réglée ».
Un exemple suffit : le livre de Daniel (que Wikipedia note comme « fiction historique ») mentionne le roi de Babylone Balthazar. Pendant des siècles les érudits ont pensé que Balthazar était aussi une fiction historique, jusqu’à ce qu’une découverte archéologique en 1854 fournisse la preuve de son existence.
La discussion de Bergsma et Pitre pour « foi et raison » est aussi recommandable. Dans leur étude de la Genèse, ils fournissent un excellent bilan de ces questions : comment comprendre le récit de la Création en lien avec la science ; le déluge était-il universel, local ou mythique ; des millions d’Israélites ont-ils réellement participé à l’Exode ; et comment comprendre la destruction totale de Canaan par Israël. C’est important, à la fois pour des Catholiques qui cherchent à comprendre comme concilier leur foi avec la vérité et pour fournir aux sceptiques une apologétique efficace.
En référence à « l’injustice » souvent citée de la conquête de Canaan par Israël, les auteurs méritent qu’on les cite :
La question théologique de la justice de Dieu qui permet la mort parmi les Cananéens de personnes innocentes du péché doit être rapportée à la Croix du Christ, qui est le principe herméneutique définitif pour comprendre à la fois la justice de Dieu et sa miséricorde dans l’histoire du salut.
Etant donné la richesse de la réflexion sur l’Ancien Testament dans la tradition catholique, Bergsma et Pitre ne peuvent que se limiter aux thèmes les plus saillants. Et ils n’en manquent pas. Il y a bien sûr des réflexions sur Eve, archétype de Marie, et sur le déluge, forme de baptême.
Je n’avais quant à moi jamais entendu parler des parallèles entre la femme vertueuse de Proverbes 31 et Marie : Proverbes 31 :29 dit d’elle « beaucoup de femmes ont agi avec excellence, mais toi tu les surpasses toutes. » De Marie, bien sûr, il est dit : « tu es bénie entre toutes les femmes » (Cl 1 :42). Fascinante est aussi l’idée que le Cantique des cantiques représente la recherche de Jésus par Marie-Madeleine après la crucifixion et l’ensevelissement.
Cela, bien sûr, influence la façon de voir l’unité entre l’Ancien et le Nouveau Testaments. Le prophète Isaïe annonce celui dont « le pouvoir reposera sur les épaules. » La tradition a vu en cela le portement de croix du Christ, les voies par lesquelles il a établi Son Eglise.
Parallèlement une étude attentive du livre de Sirach montrera une remarquable unité entre l’enseignement de Jésus ben Sirach et celui de Jésus de Nazareth.
Il y a beaucoup à louer dans ce volume épais (1060 pages) – diagrammes explicatifs, tables montrant comment l’Ancien Testament est utilisé dans le lectionnaire, et articles annexes sur des sujets d’intérêt. En tant qu’ancien séminariste protestant, j’ai été aussi impressionné par leur fidélité à la bonne érudition protestante autant que je l’ai été par leur réelle – mais pas exagérée – référence au lumineux savant en Ecriture Scott Hahn.
Sur cette note finale, il apparaîtrait que Bergsma et Pitre considèrent le Kinship by Covenant de Hahn et le On the Reliability of the Old testament de K.A. Kitchen, qui apparaissent dans beaucoup de chapitres, comme deux des meilleurs ouvrages sur l’Ancien Testament. Pourtant cette introduction à l’Ancien Testament pour les étudiants, le clergé ou les laïcs qui poursuivent des études bibliques, suffira à elle seule comme aide indispensable pour les années à venir.
Jeudi 18 octobre 2018
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/18/the-old-testament-renewed/
Casey Chalk est rédacteur au site œcuménique Called to Communion et étudiant gradué à Notre Dame Graduate School of Theology au Christendom College.