L'amour ne fait aucun mal au prochain. Rom 13 - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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L’amour ne fait aucun mal au prochain. Rom 13

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A la suite des événements que nous connaissons tous, j’ai rédigé un texte pour le petit journal interne d’Acte, Entr’Acte, dans lequel j’ose mettre en regard de l’extrême violence faite à l’équipe de Charlie hebdo la violence très grave faite à l’ensemble des musulmans, et notamment des millions de musulmans de France, par la publication de caricatures de leur prophète, avec tout ce que cela comporte de méconnaissance, d’arrogance et d’inconscience coupable, blessant profondément des millions de personnes, les touchant dans leur coeur, dans l’intime de leur identité. Le mercredi suivant, sort le nouveau numéro de Charlie avec, en pleine couverture, une caricature du prophète, entraînant les premières réactions violentes à travers le monde, en attendant le pire qui est à venir. Mais, le vendredi, dans l’avion qui le mène aux Philippines, le Pape affirme très clairement et fermement, comme à son habitude: « On ne peut pas provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas la tourner en dérision…Une liberté sans bornes ne saurait être légitime… » Il aurait même dit, par deux fois: « Si un grand ami dit du mal de ma mère, il doit s’attendre à recevoir un coup de poing. » J’avoue avoir été conforté par ces propos. Or, le samedi, je reçois le dernier France Catholique qui affiche, en couverture, « Je suis Charlie », s’identifiant ainsi à ceux (malheureuses victimes au demeurant), par qui le scandale arrive et dont les successeurs diffusent à cinq millions d’exemplaires, un peu partout dans le monde, une provocation dont les conséquences sont à la fois incalculables et prévisibles, pour notre pays et pour bien d’autres ailleurs.

Je ne permettrai pas de vous faire la leçon, qui suis-je pour faire la leçon à quiconque ? Je voudrais simplement vous faire part, fraternellement, de ma réflexion.

En effet, j’ai bien lu les explications ou justifications qui sont données dans le numéro pour clarifier cette prise étonnante de position, j’ai bien noté aussi qu’à titre personnel vous ne revendiquez pas votre identification à Charlie, mais tout cela fait penser un peu à un numéro d’équilibriste ou à un tour de passe-passe où les véritables enjeux sont escamotés. Vous me pardonnerez, j’espère, la formulation un peu abrupte, mais il est vrai que l’émotion est grande. Je retiens d’ailleurs le texte limpide de Frédéric Aimard au sujet de Charlie Hebdo : »Leur logique les pousse à être insultants par volonté d’humilier. Et leur humour, sans beaucoup d’autodérision, n’est pas dénué d’une violence plus ou moins abjecte… » Or s’identifier à Charlie Hebdo, c’est revendiquer sa logique, ses actions et sa violence qualifiée d’abjecte.

Et c’est cela qui est très bouleversant : comment la violence d’un massacre abominable a pu tourner en célébration d’une autre violence, « abjecte », perpétrée à longueur semaines, de mois, d’années, et dont, en l’occurence, les musulmans sont les cibles particulières avec l’affaire des caricatures, affaire que l’inconscience et l’arrogance incroyables des successeurs de l’équipe décimée ont renouvelée, relancée, sans délai avec les suites que l’on connait déjà, et celles qui vont frapper à l’aveugle principalement des innocents.

Or nous savons bien, nous autres chrétiens, que dans tout cela, il s’agit toujours de l’amour, de l’amour qui est dû à tout être humain, de l’amour qui est bafoué en tout être humain. Où est l’amour, c’est à dire à la fois la vie et la vérité, lorsque des centaines de millions de musulmans sont insultés, touchés en plein coeur, comme en a témoigné Djamel Debbouze qui, tout en affirmant avec force son attachement à la France, a dit

avoir été profondément déstabilisé par les caricatures et ce qu’il a appelé un blasphème, « le » blasphème (TF1 dimanche 19, vers 19h30) ?

La liberté d’expression, comme toutes les libertés, a forcément ses limites et elle est un droit pour tous; elle s’arrête là où elle nie à l’autre la liberté d’être et de penser et de dire ce qu’il est et ce à quoi il croit, là où règnent l’insulte, l’injure, la dérision, toutes ces formes de négation, d’élimination, de meurtre. « La langue est un fléau, toujours en mouvement, remplie d’un venin mortel. » (Jacques 3)

L’immense faute contre l’amour, (en est-il d’autres?), générée par une poignée d’humoristes inconscients, acceptée par toute une intelligentsia déconnectée du réel, et tolérée par une population inconsciente de la portée de ce qui est en jeu, est un grand péché contre l’amour dû à tous nos frères humains, et donc contre Dieu qui est agenouillé aux pieds de chacun d’entre eux. Et ce qui est tragique, c’est que cette immense faute est comme reprise, cautionnée, avalisée, dans une transmutation incroyable : le péché d’aveuglement d’un petit groupe devient celui d’une nation, de tout l’Occident, de tous ceux qui revendiquent le bon droit et la pérennité d’actions gravissimes.

Or, comme Charlie Hebdo, nous risquons de payer le prix fort, exorbitant, d’un tel mépris de l’amour, de la réalité, de ce que nous devons à Dieu, aux autres et à nous mêmes, car les fous d’Allah chercheront évidemment à se venger, (n’ont ils pas crié: « Charlie Hebdo est mort, le prophète est vengé. » ?), partout et non plus seulement dans un simple bureau de rédaction, mais dans les gares, les métros, les grands magasins… Nous pouvons sans doute pleurer sur nous comme le Christ a pleuré sur Jérusalem en présageant le sort auquel elle se livrait par aveuglement.

En nous identifiant à Charlie Hebdo, nous identifions les chrétiens et l’Occident à l’arrogance, au mépris, à l’insulte; nous confortons les musulmans, pacifiques ou non, dans le sentiment qu’ils sont méprisés et rejetés. Ca n’est pas ce que vous voulez, ça n’est pas ce que veulent les foules qui arborent les panneaux « Je suis Charlie », mais c’est de cela qu’il s’agit. Et les politiques ont fait une énorme erreur, à la fois par sectarisme et par démagogie, une erreur stratégique et politique après avoir été une faute gravissime sur le plan humain, en prenant le parti de l’ostentation, de l’exaltation, à l’égard des violents armés de leur esprit et de leurs talents, câblés sur l’irréel et sur l’idéologie.

Certes ce sont des victimes, et nous prions pour eux, pour ce qui leur est arrivé mais surtout parce qu’ils sont passés à coté de leur véritable vie, de celle que Dieu avait désiré pour eux, et dont Il tient d’ailleurs toujours les clés, c’est là notre espérance.

Paul déclare aux Romains, à nous: « L’amour ne fait aucun mal au prochain. » Pour nous chrétiens, rien n’est au dessus de cela, aucune considération ne peut minimiser cet impératif, et nous ne pouvons jamais nous identifier avec « ce qui porte la trace du mal. »

Il serait temps de nous désolidariser fermement, en tant que chrétiens et vis à vis des musulmans, notamment de ceux qui vivent avec nous, des atteintes portées à leur foi, des insultes dont ils sont ainsi l’objet.

Il serait sans doute aussi temps que les évêques, à la suite du Pape, expriment, à haute et intelligible voix, aussi fortement que lui, leur radicale rejet de toute forme de mépris, d’insulte, de dérision, à l’égard de quiconque et notamment des musulmans; peut-être prendrions nous alors le chemin d’une véritable unité, fondée sur la compréhension mutuelle, et le respect tout aussi mutuel. Mais quand entendrons-nous nos évêques sur ce sujet ?
Sans doute nous ferons nous aussi beaucoup d’ennemis, mais n’est-ce pas le sort prévu pour nous par Jésus lui-même ?