Le voyage du président de la République aux États-Unis a mis en évidence la complicité de nos deux peuples, qui est de toujours, puisque de la guerre d’Indépendance, puissamment soutenue par la France de Louis XVI jusqu’à nos jours, l’Amérique est restée notre amie et notre alliée. Sans doute, y a-t-il eu quelques accrocs à notre entente au cours d’un peu plus de deux siècles. On a même prétendu qu’il y avait chez nous une tradition américanophobe tenace, que la politique d’indépendance du général de Gaulle avait confirmée en son temps. Rien n’est moins sûr. J’ai vérifié chez certains auteurs suspects d’un tel travers et j’ai constaté que, bien souvent, les griefs très réels n’empêchaient pas l’estime, l’admiration et même la reconnaissance. Quant à de Gaulle, sa solidarité avec Washington fut patente dans les moments de crise, notamment celui de l’affaire de Cuba.
C’est que l’amitié n’exclut pas la différence, celle-ci étant susceptible de modifications. On perçoit ainsi que la culture politique nous rapproche plus aujourd’hui qu’elle ne nous a éloignés autrefois. Lorsque nous relisons De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville, nous comprenons que les analyses qui s’appliquaient à la société américaine du début du XIXe siècle se rapportent désormais complètement à nous. C’est qu’un certain jacobinisme, relayé par le marxisme, a cédé de plus en plus la place à la pensée libérale. Une pensée libérale, au demeurant née en France et notamment avec Tocqueville, mais éclipsée par des courants plus durs. Je songe à l’influence de Jean-Paul Sartre après-guerre. Nous n’en sommes plus là.
Je ne veux pas dire que notre rapprochement intellectuel et social avec les Américains n’a que des effets positifs. Du moins les sujets de querelle se traduisent-ils en questions disputées, âprement disputées. Il n’y a plus le seul progressisme obligatoire, porté par le vecteur totalitaire. Il y a la discussion incertaine, pour le meilleur ou pour le pire. La querelle sur le genre en est un exemple typique.