Le peintre néerlandais Johannes (ou Jan) Vermeer (1632-1675) est né à Delft et y a été baptisé dans une église néerlandaise réformée. Quand il a eu 21 ans, il s’est marié avec Catharina Bolenes, la fille catholique d’une femme de Delft ayant des relations, et qui était très impliquée dans une église clandestine (schuilkerk) jésuite du voisinage. (Il était alors illégal de célébrer la messe aux Pays-Bas, bien que les Néerlandais soient alors – tout comme maintenant – plus tolérants que d’autres pays protestants. A l’époque, c’était une vertu.)
On suppose que Vermeer a embrassé le catholicisme avant ses noces.
Mais par la suite, il n’a pas simplement été catholique par mariage. La foi comptait beaucoup pour lui, et cela peut se voir clairement dans une de ses toiles peinte entre 1670 et 1672, « Allégorie de la foi catholique » (image illustrant l’article), ou comme les sources protestantes s’y réfèrent, simplement « L’allégorie de la foi ».
Dieu merci, le Metropolitan Museum de New York, qui possède la peinture et la présente dans une nouvelle exposition, « In Praise of Painting » (Louange de la peinture »), visible jusqu’au 4 octobre 2020, a l’intégrité de l’appeler par le nom que l’artiste avait choisi.
La plus célèbre des toiles de cette exposition est probablement « Aristote avec un buste d’Homère » de Rembrandt, célèbre en partie par sa taille – 1,40 x 1,35 m – alors que les œuvres de Vermeer, comme celles de Léonard de Vinci, sont généralement plus petites, bien que « Allégorie » avec 1,12 x 0,87 m, est en réalité une des plus grandes peintures de Vermeer.
La plus grande a également un thème religieux, « Le Christ dans la maison de Marthe et Marie ( 1,60 x 1,40 m, peinte en 1655, n’appartenant pas au Met). On ne connaît que 34 peintures de Vermeer (plusieurs autres sont peut-être de lui mais ne font pas l’unanimité), alors que plus de 600 Rembrandt ont survécu. Même en tenant compte du fait que Rembrandt a vécu vingt ans de plus que Vermeer, la production de Vermeer est restée modeste.
Une bonne partie de l’œuvre de Vermeer célèbre la vie domestique – les gens et les places de Delft où il a passé la plus grande partie de sa vie : une prostituée, un laitier, des leçons de musique, des hommes et des femmes au travail chez eux et plusieurs scènes d’extérieur dans Delft. Ma préférée parmi toutes les peintures de Vermeer est « la petite rue », selon moi une peinture quasiment parfaite.
Vermeeer est peut-être le plus connu pour sa représentation de la lumière et son utilisation de couleurs vives : l’outremer , d’un mot latin signifiant « au-delà de la mer », le plus intense des bleus, le giallolino, de toute évidence un mot italien pour ce qui est connu maintenant comme le jaune d’oxyde de plomb ou ocre jaune et le profond rouge cinabre, plus communément connu sous le terme vermillon.
Le cadre domestique décrit dans nombre de ses peintures , y compris « Allégorie », est l’une ou l’autre des deux pièces de la maison de sa belle-mère où Jan et Catharina vivaient. La lumière, que Vermeer prisait tant et peignait avec un tel génie, était meilleure dans ces pièces. Même dans ses peintures religieuses, on trouve les attributs de la vie néerlandaise du dix-septième siècle.
Beaucoup de spécialistes croient que la femme dans « Allégorie de la Foi catholique » est Marie-Madeleine repentante, symbole de la foi au Christ et de l’Eglise Catholique. Son pied est sur un globe qu’elle semble sur le point de repousser : elle est en train de quitter la vie de ce monde pour suivre Jésus. Cet argument est soutenu par des évocations dans la peinture de Vermeer (un fervent collectionneur des œuvres de ses confrères) de tableaux qu’il aurait bien connu, en particulier « Marie-Madeleine se détournant du monde pour se tourner vers le Christ » par Jan van Bijlert.
Ma propre impression en découvrant « Allégorie » a été que Vermeer s’était inspiré de peintures représentant la Sainte Vierge telle que décrite dans le Livre de la Genèse, bien que, ai-je pensé, la Vierge de Vermeer est représentée très différemment. Je pensais tout particulièrement à « L’Immaculée Conception » de Tiepolo. Notre-Dame sur le globe terrestre, son talon écrasant le serpent/ un dragon/ Satan. Dans Genèse 3:15, qui suit le récit de la Chute, Dieu dit au serpent : « je mettrai une inimitié entre toi et la femme, et entre ta descendance et sa descendance ; elle te frappera à la tête tandis que tu la frapperas au talon ». Dans la peinture de Vermeer, le serpent est écrasé par un bloc de pierre.
Bien sûr, quand je suis rentré du Met et que j’ai recherché Tiepolo, j’ai dû me frapper le front : Tiepolo vivait un siècle plus tard.
Le bloc de pierre écrasant Satan est la « pierre angulaire » du Psaume 118, celle que « les bâtisseurs ont rejetée [et] qui est devenue la pierre angulaire ». Et la pomme sur le sol près du pied gauche de Madeleine est, de toute évidence, celle-là même du jardin d’Eden. La composition de « Allégorie », bien que plus complexe, est similaire à « Femme tenant une balance », une peinture meilleure et plus pure ( son traitement de la lumière étant plus abouti) dans laquelle une femme (peut-être enceinte), près d’une fenêtre, ses bijoux étalés devant elle, prend la mesure de sa vie. Derrière elle, une peinture du Jugement Dernier d’un artiste inconnu.
La peinture sur le mur en arrière plan de « Allégorie » est une reproduction par Vermeer, bien que modifiée, de la « Crucifixion » de Jacob Jordaens, une peinture probablement propriété de sa belle-mère, Maria Thins. A la gauche de Madeleine, il y a un autel domestique avec ce qui est probablement un missel et, bien sûr, un crucifix et un calice. La sphère suspendue au plafond peut simplement représenter la réflexion, comme dans « Contemplation », ce qui est certainement ce que l’expression absorbée de Marie-Madeleine semble indiquer… ou cela peut être simplement un moyen pour l’artiste de démontrer sa maîtrise technique.
Cela laisse l’écran de cuir à notre droite et la tapisserie à notre gauche. La tapisserie apparaît dans d’autres œuvres de Vermeer (et dans ce cas offre plus de preuves que l’artiste utilisait la technique dite de la chambre noire). Mais la tapisserie et l’écran suggèrent des dispositifs facilement déployés pour cacher rapidement la petite église clandestine des Thins et des Vermeer. Etant donnés la notoriété de Vermeer à Delft et un siècle de calvinistes modérés, il est peu probable que le grand peintre ait lui-même couru quelque danger.
Mais d’autres ont été en danger, Jan Vermeer le savait, et il l’a donc peint.
Brad Miner est rédacteur en chef de « The Catholic Thing », membre de l’institut Foi & Raison, membre du bureau de l’Aide à l’Eglise en Détresse ; C’est un ancien rédacteur de « National Review ».
Illustration : « Allégorie de la Foi catholique » par Jan Vermeer
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/12/27/vermeers-catholic-allegory/