L’ALIBI TAUBIRA - France Catholique
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La justice de Dieu
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L’ALIBI TAUBIRA

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« Comme l’Afrique du Sud, la France a besoin de Vérité et de Réconciliation »
Christine Taubira a le sens de la formule. Cette phrase figure dans un très bel article paru sous sa signature en 2007 sous le titre « Mémoires universelles ? » dans un ouvrage collectif intitulé : « Rwanda : pour un dialogue des mémoires » (Albin Michel). L’ouvrage rendait compte du séjour au Rwanda en février 2006 d’une délégation de l’Union des Etudiants Juifs de France (UEF). Ambassadeur dans ce pays à l’époque, je fis alors la connaissance de Christine Taubira qui s’était jointe au groupe. Elle était alors simple députée de la Guyane.

Le propos que je viens de rappeler en exergue tirait la conséquence d’une lecture critique de l’immense ouvrage collectif dirigé par le grand historien Pierre Nora sur « les lieux de mémoire » où en 5000 pages elle relevait qu’il n’y avait rien qui concernât les anciennes colonies. Même « l’article sur le café réussissait, écrivait-elle, à ne pas souffler mot des plantations d’Amérique ni plus tard des cultures africaines ».

Cette réflexion sur l’universalité m’est revenue en mémoire à la lecture des polémiques concernant les attaques à caractère raciste dont elle a été l’objet. Ce que certains ne pardonnent pas à la Garde des Sceaux c’est, me semble-t-il, d’avoir mis au service des homosexuels le talent qu’elle avait démontré dans sa défense des anciens esclaves, des Harkis, des Juifs, des Roms, et des victimes du génocide au Rwanda, dont je puis témoigner qu’il l’avait bouleversée. En l’occurrence, son « crime » est d’avoir placé « l’orientation sexuelle » sur le même plan que l’origine ou la race dans le refus des discriminations. Un honnête débat me paraît possible autour de cette assimilation : est-elle abusive ou au contraire naturelle du point de vue de l’universalité ? Les deux sont-ils à placer sur le même plan comme le veulent les déclarations universelles et européennes des droits de l’Homme, ou sur un plan différent comme le veut encore jusqu’à aujourd’hui la Constitution française qui parle de la race, de l’origine — et de la religion — mais pas (encore ?) de « l’orientation sexuelle ».

On a remarqué que le président de la République, le premier ministre et bien d’autres hiérarques du monde politique ou de la société civile ont bien tardé à prendre la défense de Mme Taubira. Là se situe en effet l’instrumentalisation de la députée de la Guyane, auteur sous le président Chirac de la loi Taubira sur la reconnaissance de l’esclavage comme « crime contre l’humanité ». Ce n’est pas par hasard que Mme Taubira a été placée là à ce moment-ci pour défendre ce dossier du « mariage pour tous ». C’est le même calcul qui avait conduit le président Giscard d’Estaing à nommer une juive ancienne déportée, Mme Simone Veil, Garde des Sceaux pour porter la loi sur l’avortement en 1974.

L’humanisme de gauche — mais, quand ils le peuvent, l’extrême-droite ou le libéralisme de centre-droit — prétendent à un universalisme qui ne connaît pas de différences — égalité devant la loi, par exemple — en faisant exprès d’exhiber des représentants de minorités visibles et victimaires pour bien montrer que l’on est aveugle à la couleur (« color-blind ») alors même qu’on l’a bien fait exprès de les choisir différents, faute de quoi on ne pourrait pas prétendre ne pas faire de différence. Le cas de Mme Taubira me semble exemplaire de cette attitude. On remarquera aussi que cela tombe souvent sur des femmes (on pourrait encore citer Rachida Dati, quoique dans un autre ordre d’idées), à la noble exception de Robert Badinter, parce que c’était Mitterrand et parce que c’était lui !

Les commanditaires de Mme Taubira doivent se réjouir que sa différence soit finalement l’objet d’attaques puisque cela revient à détourner l’attention de l’objet universel qui, pour eux, est non pas son faciès ou son origine mais « le mariage pour tous ». Foutaise ! La preuve est faite, s’il en était encore besoin, que c’est, selon l’expression consacrée, l’arbre qui cache la forêt. Et dans cette forêt, la gauche et l’antiracisme ont globalement échoué. Pire ils se voilent la face et se bouchent les oreilles.

Parlant d’arbre, les Africains sont sensibles au vocabulaire. Un de mes amis enseignant au Gabon avait suscité un jour un tollé et fut presque renvoyé pour avoir conseillé aux parents de l’un de ses élèves de le faire « changer de branche ». L’Africain, comme l’écrivait Christine Taubira dans l’article précité, préfère « l’ombre apaisante de l’arbre à palabres pour se préparer à nouveau à faire société ensemble, en choix .»


Dominique Decherf est notamment l’auteur de l’essai Couleurs.


http://www.rfi.fr/emission/20120603-dominique-decherf-auteur-couleurs-memoires-ambassadeur-france-afrique

http://www.revue-etudes.com/Societes/Couleurs/7495/15143