La fête de Pâques, sommet de l’année liturgique, est le moment privilégié de l’affirmation de la foi chrétienne dans sa radicalité. Christ est ressuscité, oui, il est vraiment ressuscité ! Le mot radicalité peut faire peur aujourd’hui, tant il évoque pour beaucoup une sorte de radicalisme religieux, voisin du fanatisme intolérant. Mais précisément, la radicalité de la foi exclut le fanatisme, parce qu’elle concerne l’annonce centrale de l’Évangile, lui-même centré sur le témoignage du Christ qui, ayant aimé les siens, les aima jusqu’à la fin. L’amour du Christ est désarmé par rapport aux relations de puissance et de domination en ce monde. Il est pure offrande pour le seul salut du monde. Mais il est vrai, en même temps, que l’expression de la foi ne souffre pas d’approximation, qu’elle ne saurait se dissoudre dans des à-peu-près et des compromis incertains.
Ainsi que l’écrit l’abbé Pierre-Hervé Grosjean dans son nouvel essai1., la dilution du message est une tentation à fuir, comme celle d’un christianisme light que l’on nous presse de toute part d’adopter, faisant fi de la parole du Seigneur à Pierre : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! » (Mt 16,23). Dimanche dernier, Le Parisien s’appliquait ainsi à définir à partir d’un sondage, quelle religion recyclée parviendrait à mieux convaincre l’opinion d’aujourd’hui. Sur cette pente savonneuse, la dérive est logique vers une religiosité diffuse, s’inspirant d’un esprit New Age, encore largement répandu. L’excellent sociologue qu’est Jean-Pierre Le Goff nous met en garde contre ce qu’il appelle « un bazar psychologique et spirituel ». Dans le climat actuel, porté par l’obsession du développement personnel, se produit une dégénérescence de la spiritualité, de la contemplation et de la pensée, toutes soumises aux aléas d’un bricolage personnel. Toute une littérature conspire ainsi à une désintégration et à un abandon de la structure de la doctrine chrétienne. Ainsi s’agit-il, précise Jean-Pierre Le Goff, de « parvenir au bonheur sans plus attendre, ici et maintenant, dans l’immanence du monde et d’un présent débarrassé de toute histoire et de toute transcendance. 2 »
C’est bien pourquoi l’affirmation pascale qui renvoie à la cohérence profonde du christianisme et à sa synthèse supérieure (déjà développée par un saint Irénée de Lyon contre une dérive gnostique qui préfigure nos gnoses présentes), s’impose avec une rare urgence. Il faut rendre compte de notre foi, dans toute son exigence et toute la beauté qui en rayonne.