Durant la conférence de presse en avion alors qu’il revenait des pays Baltes, le pape François rappela comment, à une certaine époque, des rois et des empereurs contrôlaient la nomination des évêques. Il exprima son soulagement que ces situations regrettables soient terminées. « Nous oublions que pendant 350 ans, c’était le roi du Portugal et de l’Espagne qui nommait les évêques, et que le Pape donnait seulement la juridiction. Nous oublions le cas de l’Empire Austro-Hongrois…. Dieu merci, ils ne se sont pas été répétés.
Mais la question maintenant se pose: Est-ce encore le cas en Chine communiste? Comment le Pontife nommera-t-il les évêques? Est-ce-que l’accord provisoire lui accordera vraiment la décision finale? Un cas en exergue : il semble que le gouvernement chinois communiste ait choisi d’envoyer deux évêques au Synode pour la jeunesse – et le Vatican fût forcé de les accepter.
C’est historiquement vrai que les procédures pour nommer les évêques n’ont jamais été uniformes dans toute la chrétienté. Plutôt, il y eu un grand nombre de cas qui ont dépendu des circonstances historiques de pays particuliers. Cependant le processus de nomination a évolué de la prérogative des autorités civiles à celle des autorités ecclésiastiques; jusqu’à elle devienne la seule décision du pape.
Qui a le droit d’appointer les évêques? Les apôtres furent les premiers à appointer les évêques et depuis l’Eglise Apostolique jusqu’au IV ème siècle, la communauté de l’Eglise naissante et les premiers Chrétiens élisaient leurs pasteurs. Hippolytus écrit : « que l’évêque soit ordonné après avoir été choisi par tout le peuple…Alors que tous donnent leur consentement, les évêques imposeront leur main sur lui » (Epître 67)
Dans l’orient chrétien, l’élection de l’évêque se faisait en présence du métropolitain qui agissait en tant que juge, vérifiant les qualités et particulièrement l’orthodoxie du candidat élu, et qui lui imposait les mains.
Dans l’occident chrétien, la tradition était légèrement différente: l’évêque était souvent élu avec la pleine participation du clergé local et des fidèles sous la direction du supérieur ecclésiastique.
Au 6ème siècle, les rois mérovingiens intervinrent dans les élections ecclésiales. La controverse de l’investiture mena à des restrictions du corps électoral aux chanoines du chapitre de la cathédrale. Le second concile du Latran (1139) décréta que le droit d’élection d’un évêque devait être limité aux chanoines du chapitre de la cathédrale, et que le reste du clergé du diocèse avait une voix consultative.
Le concile de Trente (1545-63) discutait les sélections d’évêques et avait établi certaines normes pour la qualification requises lorsque la nomination venait directement du pape. Ces procédure se sont prouvées hautement inefficaces, et dès lors la nomination des évêques par le pape devint normative.
Cependant, les rois de France, d’Espagne et du Portugal continuèrent à nommer les évêques alors que le pape se réservait l’institutio canonica, ou ce qui est connu comme le droit de confirmation, qui conférait la juridiction épiscopale aux évêques. On considérait que ces souverains usurpaient de façon injuste le droit de nommer les évêques, qui appartenait exclusivement au Pontife Romain.
Cependant, durant toute l’histoire de l’Eglise, il y a eu une forte conscience que la nomination des évêques étaient du domaine ecclésial, réservé à la compétence des autorités ecclésiales, et non à celle des souverains. Ce principe minimisait l’importance de la liberté de l’Eglise et son autonomie par rapport au souverain et à l’Etat.
Ce qui a suivi, ce sont de nombreux concordats ou conventions entre le Saint-Siège et différents souverains. Le chef de l’Etat pouvait désigner des évêques pour les diocèses vacants, mais le pape conférait l’Institutio canonica. S’il satisfaisait à toutes les qualifications requises par le droit canon et était capable de remplir les fonctions épiscopales, le candidat désigné par les autorités civiles ne pouvait pas être refusé. En d’autres mots, l’Etat était sur le siège de conducteur, alors que l’approbation du pape était secondaire.
La situation changea de façon drastique avec le concile Vatican II, qui appelait les autorités civiles à renoncer aux accords ou aux concordats avec le Saint-Siège, et à abandonner les droits de sélectionner, de désigner ou de nommer des évêques. Le concile affirma l’exclusivité et la compétence d’une seule autorité pour nommer des évêques, le Pontife Romain:
Puisque le Collège apostolique des évêques fût institué par le Christ et il poursuit un but spirituel et surnaturel, ce synode œcuménique sacré déclare que le droit de nommer et d’appointer des évêques appartient naturellement, spécifiquement et par nature, exclusivement à l’autorité ecclésiale.
Le texte continue :
Donc, dans le but de dûment protéger la liberté de l’Eglise et de promouvoir plus facilement et efficacement le bien-être du croyant, ce saint concile désire que plus aucun droit ou privilège ne soit accordé aux autorités civiles pour les élections, les nominations, les présentations ou désignations pour le poste d’évêque. Par ailleurs, les autorités civiles, dont l’attitude favorable envers l’Eglise, que le sacré Synode reconnait avec gratitude et apprécie hautement, sont incitées gentiment à renoncer volontairement aux droits et privilèges mentionnés ci-dessus dont ils bénéficient actuellement en raison d’un traité ou d’une coutume, après en avoir discuté le sujet avec le Siège Apostolique.
Et de plus, le Droit Canon de 1983 statue :
« dans le futur, aucun droit et privilège relatif aux élections, nominations, présentations ou désignation d’évêques ne doit être accordé aux les autorités civiles ».
(Droit canon 377)
Ainsi, en ce qui concerne l’accord provisoire sino-Vatican, et la déclaration du Saint-Père le Saint Père va-t-il contre l’enseignement de Vatican II et compte-il retourner plus de cinquante ans en arrière ? Ceci explique pourquoi il a dit que les relations sino-vaticanes font « deux pas en avant et recule d’un pas, et deux pas en avant, et un en arrière. »
Le pas en arrière est de 50 ans en arrière, et il pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour l’Eglise Catholique de Chine.
En 1906, Lénine publia : « Un pas en avant, deux pas en arrière – crise au sein de notre parti ». Lénine était moins optimiste en prenant des mesures pour remédier aux fissures de son parti. Ne devons-nous pas nous dire que « deux pas en arrière et un en avant » est symptomatique d’une crise profonde dans les relations sino-vaticanes ?
A PROPOS DE L’AUTEUR
Inès Angelo Murzaku est professeur d’histoire de l’Eglise à la Seton Hall University. Ses recherches approfondies sur l‘histoire de la chrétienté, le catholicisme,les ordres religieux, et l’œcuménisme ont été publiées dans de multiples articles et dans 5 livres. Son dernier livre édité et traduit avec Raymond L. Capra et Douglas J. Milewski, est “The Life of Saint Neilos ofRossano”, part de la Dumbartin Oaks Medieval Library. Dr Murzaku a souvent figuré dans des médias nationaux et internationaux. Dans de journaux,à la radio, au cours d’interview télévisés et dans des blogs.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/15/is-the-vatican-accord-with-china-a-step-forward-or-back/
https://www.thecatholicthing.org/2018/09/28/how-the-china-deal-betrays-vatican-ii/
https://www.thecatholicthing.org/2018/09/21/chinas-war-on-christianity/
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Jean-Paul Hyvernat