L'absurde pierre d'achoppement - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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L’absurde pierre d’achoppement

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La lecture brève de l’office du milieu du jour du mardi de la Semaine Sainte est tirée de la première lettre aux Corinthiens (chap 1), le fameux passage qui dit : « les Juifs demandent des signes et les Grecs recherchent une sagesse, mais nous prêchons le Christ crucifié – une pierre d’achoppement pour les Juifs et une absurdité pour les Gentils. »

Le Christ n’était pas entièrement opposé à donner des « signes ». Il en a donné un certain nombre en fait. En outre, la sagesse grecque n’est pas non plus à dédaigner. Un livre complet de la Bible est intitulé « Livre de la Sagesse ». Paul a immédiatement été envoyé, non en Inde, en Chine ou en Afrique, mais en Macédoine, la patrie d’Aristote et de la sagesse grecque.

Quel était donc le problème ? Lors de la Crucifixion, les persifleurs criaient au Christ de descendre de la Croix et qu’alors ils croiraient. Mais combien auraient réellement cru s’il était effectivement descendu de la Croix. Probablement pas beaucoup. Quelle était cette « pierre d’achoppement » présentée par la Crucifixion ? Pourquoi était-elle un obstacle ?

De toute évidence, la Via Crucis n’aurait pas du être le chemin que devait emprunter le Messie – en pouvoir et en majesté. Il n’a pas levé d’armées, n’a pas accepté d’autorité civile. Par conséquent Il n’était pas le Messie tant attendu.

Pourquoi la Crucifixion apparaissait-elle si « absurde » et « folle » aux sages Grecs ? Paul nous dit que pour ceux qui croient, Juifs comme Grecs, ceux qui, en d’autres mots, ont été « appelés », le Christ est à la fois la « puissance » et la « sagesse » de Dieu. Si cela est vrai, la Crucifixion elle-même, dans toute son horreur, contient la raison pour laquelle le chemin de l’humaine rédemption conduisait à travers la trahison, les faux témoignages, la « vérité » de Pilate et les complots des Grands Prêtres.

Les Juifs n’exécutaient pas par crucifixion. Ils avaient tendance à user de la lapidation. Les Romains ne souhaitaient pas être impliqués dans ce grand bazar qui n’était somme toute qu’une querelle interne aux Juifs. Ils utilisaient la crucifixion comme moyen de dissuasion, une mort que chacun connaissait comme horrible. A éviter à tout prix ! Pourtant, ils y étaient – coincés dans quelque chose semblant contrer leur propre célèbre loi.

La Crucifixion a pris place à Jérusalem sous la procédure de la Loi Romaine à l’instigation des autorités juives de l’époque. Tibère était César. Mais la Crucifixion était également soumise à la loi divine. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie, comme le dit Saint Basile dans la Deuxième Lecture de ce même jour, que nous observons un plan en cours de réalisation.

D’abord, nous devons prendre conscience de qui va être crucifié. Un homme très bien, mais un homme qui était le Logos, le Verbe fait chair. Il est obéissant à la volonté de Son Père. Le Verbe n’a manifestement pas conçu ce plan. C’est le Père qui l’a fait.

Mais ce Père aurait sûrement pu concevoir un meilleur plan ? Les Romains et les Juifs auraient accepté le pouvoir. Les Grecs se seraient réjoui de voir comment ce plan passant par la souffrance avait du sens. Pourtant, si nous nous rappelons du grand enseignement d’Eschyle, selon lequel « l’homme apprend par la souffrance », peut-être que cela a du sens quand c’est expliqué dans le détail. Peut-être que c’est en raison de cette relation que Paul a été envoyé en Macédoine.

Quoi qu’il en soit, quel était le problème du Père avec la race humaine ? Ils avaient rejeté l’offre initiale dans le Jardin d’Eden où ils n’auraient pas du connaître la mort. Comment le Père allait-il contrer ce rejet sans montrer un pouvoir écrasant ni sans forcer les hommes à être libres ?

Le Père, pour ainsi dire, devait arriver avec un contre-plan pour l’humanité qui la laisserait libre, mais qui rendrait évident que la Crucifixion était le résultat de ses péchés. Les hommes devaient être rachetés par quelqu’un d’autre, une personne divine, pas moins, prenant leur place.

Puisque nous sommes créés libres, nous ne pouvons pas accepter le plan de Dieu pour nous tant que nous n’avons pas choisi de l’accepter. En d’autres mots, personne n’est sauvé qui ne désire d’abord être sauvé. Ce fait signifie que personne n’est sauvé automatiquement ou en dépit de lui-même.

Le Christ, ainsi que l’a dit Paul, est à la fois le « pouvoir » et la « sagesse » de Dieu pour ceux qui acceptent le plan de salut par la souffrance, la souffrance du Christ sur la Croix.

Qu’est-ce que cela veut dire côté humain ? Cela veut dire dans un premier temps que même dans une matière aussi sérieuse que notre propre rédemption, nous sommes laissés libres d’accepter ou de rejeter l’invitation de Dieu. Si nous étions forcés de l’accepter, de telle sorte que tous les êtres humains soient sauvés, le salut n’en vaudrait pas la peine. Il n’aurait pas de point commun avec la sorte d’être que nous sommes en réalité.

En définitive, la pierre d’achoppement pour les Juifs et la folie pour les Grecs est la sagesse de Dieu. Cela peut être rendu évident à la fois pour les Juifs et pour les Gentils, et même, comme le dit Isaïe dans la première lecture de la messe, pour ceux « des extrémités de la terre. »


James V. Schall, S.J., qui a été professeur à l’université de Georgetown durant 35 ans, est l’un des écrivains catholiques les plus prolifiques en Amérique.

Illustration : « Lamentation sur le Christ mort » par Jusepe de Ribera, vers 1623 [National Gallery, Londres]. Marie-Madeleine est aux pieds de Jésus, l’apôtre Jean soutient le corps, et Marie se tient entre les deux.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/03/27/on-the-absurd-stumbling-block/