Kennedy et le King - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Kennedy et le King

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« Je fais un rêve » : le 28 Août 1963, le pasteur Martin Luther King prononce son immortel discours devant le mémorial Lincoln à Washington. Un siècle plus tôt, en 1863, Lincoln avait publié sa déclaration sur l’émancipation de l’esclavage. Cinquante ans après King, les Etats-Unis ont un président « noir » mais la société américaine n’est pas encore post-raciale.

Si le candidat catholique Kennedy avait été élu en 1960 après avoir réussi son examen de passage auprès des protestants, le candidat noir Obama a été élu en 2008 après avoir dû justifier sa fréquentation d’une église noire dont le pasteur s’était illustré par des prédications jugées trop véhémentes. Le 20 mars 2008 à Philadelphie, son discours sur les relations raciales a fait date, à l’égal de celui de King.

Or l’acquittement le 13 juillet dernier du vigile qui avait tué un jeune noir, Travyon Martin, le 26 février 2012, a révélé la fragilité de l’harmonie raciale. Obama, qui avait déclaré que s’il avait eu un fils, il aurait ressemblé à Travyon, a calmé le jeu. Ce qui marque la vraie différence avec les années antérieures, où un incident déclenchait immédiatement des émeutes raciales faisant des dizaines voire des centaines de morts. Il n’en a rien été cette fois. Les organisations de droits civiques manifesteront le 24 Août pour le cinquantenaire du discours de Martin Luther King.

Parallèlement, la faillite de la municipalité de Détroit qui vient d’être annoncée n’est que la lointaine conséquence des plus graves émeutes raciales qu’aient connues les Etats-Unis. En 1967, la ville blanche est devenue en quelques jours une ville noire par la fuite de ses habitants blancs vers les banlieues à la faveur d’une véritable bataille rangée et d’un début de guerre civile. « Mototown », la capitale de l’industrie automobile a certes souffert depuis 2008 de la récession de ce secteur, mais selon une frontière raciale nettement tracée et immuable depuis.

En 1963, King se battait au Sud où la ségrégation battait son plein. Les gouverneurs du Mississipi et de l’Alabama s’opposaient à l’entrée des Noirs dans les universités publiques de leurs Etats. Washington envoyait des troupes fédérales. Un projet de droits civiques piétinait au Congrès. Le président Kennedy n’était pas très à l’aise avec ce dossier. Son itinéraire oligarchique de Nouvelle-Angleterre ne l’avait pas familiarisé avec le problème noir. Il revint à son vice-président, Lyndon Johnson, sénateur du Texas, de faire passer la réforme en 1965 bien après la mort de Kennedy. Ni l’un ni l’autre ne souhaitaient évoluer en année électorale et compromettre leur réélection en novembre 1964. En effet, la déségrégation allait marquer le début de la fin de la mainmise démocrate sur le Sud qui favorisa en 1968 l’élection du républicain Richard Nixon et sa réélection en 1972. Les démocrates avaient perdu le Sud, mais la violence raciale s’était déplacée du Sud vers le Nord (Chicago, Détroit, Cleveland) et l’Ouest (Los Angeles).

C’est à ce tournant que Martin Luther King perdit la vie, assassiné le 21 avril 1968 à Memphis. Le petit musée qui lui est consacré ne bénéficie certes pas de l’aura de l’autre « King » de Memphis, Elvis Presley, dont la villa est sans doute l’endroit le plus visité des Etats-Unis. Martin Luther King en 1968 était dépassé par des contestataires plus jeunes qui n’avaient pas sa patience ni ses principes chrétiens. Il avait compris que la violence raciale polariserait la société américaine et la radicaliserait, ce qui ne serait d’ailleurs pas sans conséquence sur la conduite de la guerre du Vietnam 1. L’administration américaine, en proie aux feux dans ses villes, était fragilisée à l’extérieur. La conscription attiserait en même temps la sensibilité aux inégalités raciales. Les Noirs seraient proportionnellement plus nombreux sur le front indochinois.

Comme Kennedy, Obama a été largement protégé du problème noir. Elevé dans la famille blanche de sa mère, brillant étudiant à Harvard, il ne découvrit véritablement l’étendue du sujet qu’à Chicago, après ses études, et par sa femme, authentique afro-américaine, descendante d’esclaves. On peut reprendre à son propos ce que King disait de Kennedy, qu’il n’avait pas un « engagement émotionnel ». Ou est-ce le tempérament d’Obama qui ne le prête pas à l’émotion mais à une froide raison, parfois trop abstraite. Tous deux ont pour priorité d’éviter les débordements de violences sur ces sujets pour préférer le respect de l’Etat de droit. Les mentalités ont évolué mais le fossé demeure : la dernière enquête d’opinion en 2012 révélait que si les deux-tiers des Blancs estimaient que les Noirs jouissaient de l’égalité, la moitié des Noirs n’imaginaient même pas atteindre cette égalité de leur vivant. La différence de perception est flagrante mais elle est certainement fort éloignée de ce qu’elle était il y a cinquante ans au temps de King et de la naissance d’Obama.

Le drame est bien reflété dans le panorama religieux où, jusqu’à présent, le moment où les Américains sont les plus divisés racialement c’est le dimanche matin, à l’heure des offices religieux. L’église d’Obama en était le symbole le plus criant. Le pasteur King défilait main dans la main avec des Blancs, pasteurs, mais aussi un père jésuite (Bennigan) et un rabbin orthodoxe (Heschel). Cette solidarité se maintint face à la guerre du Vietnam. On en voit mal aujourd’hui l’équivalent.

  1. Stephen King, dans son dernier roman, « 1963 », qui imagine pouvoir empêcher l’assassinat de Kennedy, fait allusion à cette problématique. S’il avait vécu, et s’il avait donné la priorité à la résolution des inégalités raciales, Kennedy n’aurait été réélu qu’à une faible majorité en 1964 mais surtout il aurait précipité la perte du Vietnam. Occupé à réprimer les émeutes raciales à l’intérieur, il n’aurait pu éviter la chute de Saigon dès 1967. L’assassinat de Martin Luther King en 1968 aurait donné le signal de l’accession à la présidence des Etats-Unis du gouverneur ségrégationniste de l’Alabama, George Wallace (qui a effectivement emporté les cinq Etats du Sud lors de cette élection gagnée de ce fait par le républicain Nixon). Wallace président, qui aurait anéanti Hanoï (par une bombe atomique), assiégé et bombardé Chicago (aux mains des Noirs), aurait été assassiné le 15 mai 1972 (en réalité cet attentat, qui heureusement ne fut pas le fait d’un Noir, le laissa paralysé à vie. Il fut gouverneur de l’Alabama jusqu’en 1987 ! et ne mourut, « converti » born-again et repentant, qu’en 1998). Cette uchronie présente une alternative qui n’était pas du tout improbable dans le climat politique de l’époque qu’il nous aide ainsi à restituer.