Tous les ans, un débat s’élève à propos des prix honorifiques que les universités accordent à des individus jugés dignes de les recevoir sur la base d’un critère d’excellence. On voit partout des étudiants ou des professeurs assis le dos aux conférenciers invités. Pourtant, personne ne peut logiquement s’honorer soi-même. Ce sont les autres qui doivent le faire. Le manque à honorer ce qui est digne de l’être tombe généralement dans la catégorie de l’envie.
Essentiellement, on n’est pas obligé d’octroyer un prix honorifique. La récompense surpasse la justice. Ce n’est pas un devoir mais une surabondance. Il se peut que nous ayons de la sympathie pour l’homme qui arrive en dernier dans une course de 100 mètres, mais nous donnons la médaille au gagnant. Nous honorons les réussites dignes de louange.
Il y a un problème avec les récompenses quand quelqu’un est méritant dans une catégorie de la vie mais pas dans une autre. Nous pouvons essayer de garder ces catégories séparées. Un bon artiste peut être une personne très dissolue dans d’autres respects. Cette situation rend délicat l’art de distinguer entre la récompense et la vie de l’artiste.
Si je parle de ces questions, c’est dans le contexte de l’invitation de la ministre de la Santé et des Affaires sociales, Kathleen Sebelius, à une des nombreuses cérémonies de remise de diplômes ici à Georgetown. On nous assure qu’elle n’a pas été invitée à faire un discours officiel aux diplômés. Nous avons quelque vingt ou trente cérémonies différentes, dont la plupart ont leur propre speaker ou cérémonie. Parmi ces institutions se trouvent des universités, des instituts, des programmes, des écoles professionnelles ou supérieures, personne ne sait quoi encore.
L’invitation offerte à Madame Sebelius est décrite par le bureau de la publicité de l’université comme n’ayant qu’une importance plutôt mineure, à l’institut de politique publique. Je suis certain que pour la ministre de la Santé et des Affaires sociales, c’est une nouvelle. C’est un programme honorifique, une remise de prix, mais pas une remise de diplômes. La différence n’est pas très claire. Il y a des quantités de distinctions subtiles. De toute façon, un discours sera prononcé.
Or, personne n’est assez naïf pour penser qu’on fera plus attention à un autre orateur cette année qu’à la ministre. C’est un arrangement parfait pour les relations publiques ou il fera sensation dans la presse. Un bureaucrate, pendant un discours dans une université catholique, a en effet proposé de fermer la plupart des organisations catholiques charitables ou éducatives à moins qu’elles ne soient d’accord pour appliquer des programmes qui sont contraires à la raison et à la foi.
Elle parle vraisemblablement pour soutenir sa position, une position précisément rejetée par les évêques du pays en tant que contraire à notre tradition de liberté et d’autonomie religieuse. C’est l’homme qui mord le chien. Aucun reporter digne de ce nom ne voudrait manquer cela. « Un fonctionnaire fédéral définit la religion dans un discours après une remise de distinctions honorifiques. » On peut l’imaginer d’ici.
Dans ces cas-là, la règle est : « Dis-moi qui tu honores et je te dirai ce que tu es. » Il n’est pas besoin de donner des prix honorifiques. Ils ne signifient rien à moins qu’ils ne soient accordés librement. Quand on les octroie, ils signifient accord, distinction.
Une université peut très bien inviter à parler dans ses salles quelqu’un qui est opposé à tout ce que soutient l’université. Mais cette invitation ne serait pas offerte comme un « honneur ». L’orateur et l’auditoire connaitraient tous les deux la nature conflictuelle du discours. Il pourrait y avoir un débat, des questions, de la controverse. Mais ni les auditeurs ni le conférencier ne penseraient que quelqu’un était honoré excepté dans le sens que le représentant invité connaissait vraiment bien le sujet controversé.
Ce n’est pas la personne honorée qui réclame l’honneur. Celle-ci est surprise et heureuse d’apprendre que ses actions ou ses travaux ont été reconnus par une institution quelconque. Recevoir une telle invitation est interprété comme une reconnaissance de nos réussites ou de notre valeur. Personne n’invite son ennemi pour l’honorer quand il a
sapé sa propre position ou sa réputation avec tant d’habileté. On doit supposer que celui qui invite la personne qui doit être honorée a trouvé des terrains d’entente ou des raisons de louange.
Personne n’honore ceux qui ébranlent les principes de la civilisation. La fondation de notre civilisation est la notion socratique : « Il n’est jamais juste d’agir mal. » En fait, cette mauvaise action, le gouvernement, par la ministre de la santé et des affaires sociales nous demande de la commettre.
On ne peut guère blâmer la personne qui doit être honorée de se croire digne de l’honneur qu’on va lui conférer. Elle peut se montrer modeste, mais elle sait que le but de la distinction était de reconnaître ou d’approuver ou de louer sa réussite exceptionnelle. De plus, elle n’accepte l’honneur que si elle pense qu’il est accordé sincèrement par ceux qui sont des juges dignes de décider de l’excellence et de la valeur d’un autre.
Une institution accorde de grands honneurs à la ministre de la Santé et des Affaires sociales parce qu’elle l’admire. Cette ministre a tous les droits de penser qu’une telle offre lui parvient dans cet esprit. Si l’on ne partageait pas du tout ses vues, elle s’attendrait à ne pas être invitée.
Dis-moi qui tu honores et je te dirai ce que tu es.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/what-is-an-qhonoraryq-award.html
Photo de Kathleen Sebelius : Georgetown l’admire.
James V. Schall, professeur à l’université de Georgetown, est un des écrivains catholiques les plus prolifiques des Etats-Unis. Ses livres les plus récents sont The Mind That Is Catholic et The Modern Age.
Commentaire de Daniel Hamiche
Passant outre aux quelque 36 000 pétitions exigeant qu’on désinvite la scandaleuse ministre de la Santé d’Obama, la ci-devant catholique Kathleen Sebelius, et au cinglant désaveu de l’épiscopat américain, les dirigeants de la ci-devant catholique Georgetown University de Washington D.C. l’ont reçue, honorée et lui ont permis de prononcer le discours de remise des diplômes de fin d’études au Public Policy Institute de l’établissement jésuite.
http://www.riposte-catholique.fr/americatho/kathleen-sebelius-chahutee-a-la-georgetown-university#.T7fvpL_Q-s0
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http://www.thecatholicthing.org/in_the_news/in_the_news/sebelius-qevent-speakerq.html
Georgetown: Sebelius isn’t a commencement speaker, she’s speaking at an “event during commencement weekend”
http://www.catholicworldreport.com/Blog/1332/georgetown_sebelius_isnt_a_commencement_speaker_shes_speaking_at_an_event_during_commencement_weekend.aspx
http://www.thecatholicthing.org/in_the_news/in_the_news/the-georgetown-eight.html
http://blog.cardinalnewmansociety.org/2012/05/09/the-georgetown-nine-ask-that-sebelius-invitation-be-rescinded/
http://www.commonwealmagazine.org/blog/?p=18960
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Pour aller plus loin :
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