Kadhafi Ubu-roi - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Kadhafi Ubu-roi

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La situation épouvantable qui règne en Libye pose le problème de la psychologie de ce qu’il faut appeler, selon la terminologie classique, un tyran. L’emploi aujourd’hui habituel du terme « régime autoritaire » me paraît inadéquat, en effet, pour définir le type de régime, le style de pouvoir, les pratiques singulières du colonel Kadhafi. Ceux qui l’ont écouté mardi, pendant une heure et demi, sur les chaines d’information, prononcer son discours insensé, était partagés entre la stupeur et la crainte. Seul l’horreur des événements empêchaient de rire, alors que l’on était dans la franche caricature et le genre burlesque.

Un commentateur risqua sur le moment la comparaison avec Ubu-roi, le personnage de la pièce d’Alfred Jarry. Il y avait bien quelques analogies entre les deux personnages théâtraux, l’un de fiction, l’autre de réalité, hélas. Ne serait-ce que la démesure, la folie, la cruauté. Mais il y avait aussi des dissemblances. Ubu-roi est un lâche, un traitre, il est aussi d’une bêtise sans fond, tout autant que naïf et goinfre. Ce n’est pas exactement la typologie du dictateur de Tripoli. Il ne faudrait tout de même pas oublier qu’il a tenu la scène pendant quelque quarante ans, qu’il s’est paré des prestiges du héros révolutionnaire et progressiste, ce qui, à une certaine époque, était considéré comme très valorisant. Il s’identifiait aux revendication du monde arabe, plus largement à celles de l’Afrique et du tiers-monde. Il a, depuis, été déboulonné de son socle symbolique pour l’opinion, qui ne retient plus que les attentats terroristes, qu’il a téléguidés, et du triste sort fait à son propre peuple.

Alors, il faut abandonner la comparaison avec Ubu. La démesure du tyran est à la mesure de sa mythomanie, de sa certitude d’assumer un rôle historique incomparable. Et cela lui confère tous les droits et la faculté de transgresser les interdits. Il a dit qu’il mourrait plutôt que de se rendre ou de fuir. On peut le croire sur parole. Ce n’est pas la première fois qu’un tyran disparaîtrait dans une atmosphère de crépuscule des dieux. On fait des prières pour que son peuple ne soit pas sacrifié à son rêve infernal.

Chronique lue à Radio Notre-Dame le 24 février