JUSTICE ET PAIX FACE A LA CRISE FINANCIERE - France Catholique
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JUSTICE ET PAIX FACE A LA CRISE FINANCIERE

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G.K. Chesterton, dans son roman Le Napoléon de Notting Hill (1904) louait les vertus des relations de voisinage qui permettaient aux gens, selon lui, d’exercer leur liberté et qui contenaient « les fondements de la civilisation : une pharmacie, une librairie, une épicerie et un débit de boisson. » Chesterton rejetait les visions utopistes de « l’unité du Monde » défendues par les H.G.Wells et George Bernard Shaw, où il voyait « l’enrégimentation plus que l’émancipation, la répression plus que l’expansion. » Bien que le roman soit paru dix-huit ans avant sa conversion au catholicisme, Chesterton embrassait d’instinct la doctrine catholique sociale de la subsidiarité. Il mettait ainsi en doute la possibilité d’un gouvernement mondial ayant autorité sur des centaines de nations et des centaines de milliers de subdivisions territoriales – Etats, comtés, cités, villes, villages, hameaux, tribus. Chesterton pensait qu’il était déjà si difficile d’administrer une petite commune – du fait des querelles au sein des familles et entre voisins – qu’il serait impossible à une poignée de potentats perchés sur des trônes élevés de gouverner un monde de milliards d’habitants querelleurs. Malheureusement, le cardinal Peter K.A. Turkson, du Conseil pontifical pour la justice et la paix, n’a pas lu Chesterton avant de signer la semaine dernière le document sur « la réforme du système monétaire et financier international dans le contexte de l’Autorité mondiale. » Le document, qui n’est pas signé par le pape, n’a pas de valeur contraignante pour les Catholiques. Fort heureusement, car il encourt de solides critiques. Le document commence par exprimer le besoin de promouvoir le bien commun fondé sur le principe de la subsidiarité, entendue comme « la plus haute autorité qui pourvoie au subsidium, c’est-à-dire qui apporte son concours lorsque – et seulement – les acteurs individuels, sociaux ou financiers sont intrinsèquement déficients ou sont incapables de s’occuper par eux-mêmes de ce qui leur est demandé. » Toutefois, le document rend responsable de la crise financière et de la crise mondiale de confiance dans le système bancaire le libéralisme économique, l’utilitarisme, l’idéologie technologique, l’égoïsme, l’appétit des richesses et l’excessive accumulation des biens. Ces considérations générales, et donc trompeuses, tendent à conclure que la promotion d’une économie mondiale libre et stable comme d’un système financier qui soit au service de l’économie réelle passe, en vertu de la subsidiarité, par l’établissement d’une autorité financière internationale à « compétence universelle. » En d’autres termes, même votre propre banque de quartier serait régulée par un tribunal supranational. Cela semble plutôt une subsidiarité à rebours susceptible d’engendrer des catastrophes pires que celles que nous avons déjà connues. Cette nouvelle autorité internationale, entre autres choses, lèverait des taxes sur les transactions financières, créerait un fonds de réserve mondial pour soutenir les économies frappées par la crise et recapitaliserait les banques en difficulté à la condition qu’elles adoptent des comportements vertueux au service de l’économie réelle. Or le Conseil pontifical Justice et Paix préfère ignorer le fait que les débours financiers en Amérique et en Europe étaient le résultat de politiques gouvernementales injustes, dépensières et erronées fondées sur des principes rigoureusement opposés à ceux de la subsidiarité. En Amérique, les germes de la destruction financière ont été semés par le président Clinton en 1994 quand il a annoncé que le gouvernement fédéral, pour étendre le « rêve américain », augmenterait à travers le pays le nombre de propriétaires de leur maison, même pour ceux qui n’en auraient pas les moyens. Fannie Mae, parrainé par l’Etat, a en conséquence assoupli les standards d’attribution des prêts. Les banques furent instruites de ne pas exiger le versement d’une part propre de 20% qui se pratiquait habituellement, ni les rituelles vérifications de ressources. Les organismes de prêt furent également appelés à pratiquer des prêts hypothécaires d’une manière plus « démocratique », à élargir les financements innovants, et à simplifier les procédures d’achat. Au total, des prêts hypothécaires furent accordés à des emprunteurs insolvables qui ne pouvaient tout simplement pas faire face à leurs échéances mensuelles de remboursement. Grâce à ces politiques bien intentionnées mais mal conçues, Fannie Mae a accumulé des dizaines de milliards de subprimes, regroupées puis vendues à des banques d’investissement qui bénéficiaient de garanties d’assurance et de notations AAA de Moody’s et Standard&Poor‘s. Les banquiers ont ensuite revendu ces acquis toxiques à des individus, des fonds de pension et des portefeuilles d’investissement peu suspects. Quand la bulle de l’immobilier a crevé, des millions de gens et des tas d‘institutions bancaires firent faillite grâce à ce montage Sponzi parrainé par l’Etat. En Europe, les institutions financières ont implosé parce que les gouvernements en Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal, en empruntant massivement, les ont conduits à la banqueroute. Pendant des générations, elles ont ainsi soutenu des systèmes de sécurité sociale au coût insupportable… La crise financière internationale a été provoquée par les responsables du tout-Etat qui ont remplacé la subsidiarité par la centralisation du pouvoir et le bien commun par la licence – en fait le droit – d’agir de manière irresponsable. Les maux du système ne seront pas résolus par la création d’un super gouvernement, global cette fois, susceptible de commettre des erreurs plus importantes et plus coûteuses, assuré par des bureaucrates qui prennent la liberté pour le droit d’imposer leurs propres valeurs. Le cardinal Turkson et ses collaborateurs auraient été bien avisés de relire des auteurs catholiques versés dans la subsidiarité et le bien commun tels que Jacques Maritain, Michael Novak, et bien sûr G.K. Chesterton.
— – Photo : le Cardinal Peter K.A. Turkson de la Commission pontificale Justice et Paix.