Cette année 2017 s’est décidément par avance dessinée sous des auspices plutôt redoutables. Hubert Védrine a trouvé une formule frappante pour définir notre situation : « Aujourd’hui, les Européens, qui croyaient vivre dans le monde idéal de la communauté internationale et du droit, se réveillent dans Jurassic Park : Donald Trump inquiète tout le monde, Poutine nous provoque, l’islam se convulse » (Le Monde, 15-16 janvier). Pour notre ancien ministre des Affaires étrangères, la bataille d’Alep, telle qu’elle s’est dénouée, a constitué un choc dont une certaine idée de l’ordre mondial, celle que le président Bush père avait développée et illustrée, n’est pas prêt de se relever. Alep symboliserait l’effondrement des politiques occidentales, et singulièrement celle de la France, fondée sur des raisons morales mais inefficaces. Résultat : nous nous retrouvons avec un monde où dominent les réalistes, qui ne croient pas du tout aux belles idées mais s’intéressent d’abord à l’efficacité et se préoccupent de leurs seuls intérêts : Trump et Poutine en tête.
Que la campagne électorale pour la présidence se déroule chez nous dans ce contexte de renversement des perspectives internationales devrait quelque peu orienter les débats. Ce n’est pas vraiment le cas. La primaire de la droite s’est peu préoccupée de ces nouvelles données. Et la primaire de la gauche qui se déroule en ce moment concerne aussi plutôt les choix économiques. Pourtant ceux-ci ne sont nullement indépendants des équilibres du monde. Et l’Europe à laquelle nous sommes liés est elle-même conduite à une révision drastique de ses missions. D’évidence en crise, divisée sur une question aussi essentielle que celle des migrations, elle peine à définir des décisions communes, alors que les États-Unis, la Russie et la Chine dominent le jeu, avec des dirigeants qui savent ce qu’ils veulent et font ce qu’ils décident.
Droite et gauche ayant finalement désigné leurs leaders – et pour la gauche cela se révèle infiniment plus difficile – il faudra bien qu’on en arrive à une grande explication. Demain, il faudra gouverner et envisager les grands enjeux internationaux autrement que dans le cadre des querelles des appareils et des ambitions personnelles. Au bout du compte aurons-nous de véritables hommes d’État ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 janvier 2017.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- Édouard de Castelnau
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte