Depuis les jours dramatiques que nous avons vécus, j’ai assez peu parlé ici-même de la douleur juive. Des amis me font remarquer aussi qu’il y a une certaine disproportion entre le deuil national pour des journalistes et les malheurs du monde, notamment la persécution continuelle des chrétiens. Mais je veux m’attarder aujourd’hui sur le profond malaise ressenti par la communauté juive de France, qui souvent s’estime désormais en danger sur le territoire national, avec la tentation de rejoindre Israël. Le Premier ministre Netanyahou a même fait un appel explicite en ce sens, entraînant une réplique directe de Manuel Valls : « Sans les juifs, la France n’est plus la France ! » Ce cri du cœur m’a touché, en me rappelant brusquement l’importance de l’existence de cette communauté au cœur de notre histoire. Je ne veux pas dire par là que les choses ont été faciles à travers les siècles.
Quelqu’un remarquait récemment que si les rois d’Israël figurent, notamment, en majesté sur la façade de Notre-Dame de Paris, cela n’a pas empêché les persécutions. Pourtant, culturellement, notre identité même n’est pas concevable sans cette présence, symbolisée par exemple dans la figure de Rachi, rabbin, exégète, poète et vigneron champenois du XIe siècle, dont la pensée a influencé l’exégèse biblique au Moyen Âge. N’est-ce pas le grand Pascal qui, au XVIIe siècle, déclarait : « J’admire une première et auguste religion, toute divine dans son autorité, dans sa durée, dans sa perpétuité, dans sa morale, dans sa conduite, dans sa doctrine, dans ses effets. »
Je ne cite pas Les Pensées pour cacher le face sombre de l’anti-judaïsme et de l’antisémitisme, mais pour faire ressentir qu’il y a comme une impossibilité de se passer pour nous de cette présence, dont le même Pascal affirmait qu’elle est pour nous témoignage en faveur du Messie. Même l’anti-dreyfusard Maurice Barrès l’admettait au fond dans son beau petit livre sur les familles spirituelles de la France. Sans les juifs, nous ne serions plus nous-mêmes. Plaise à Dieu que le malheur des temps ne les décourage pas d’être toujours des nôtres !
