C’est par la lecture du Monde que j’ai appris hier la mort de Jorge Valls, écrivain et poète cubain. En dépit des changements récents qui ont affecté son île natale, il ne lui aura pas été donné de mourir au pays. Exilé depuis sa libération des prisons castristes en Floride, c’est à Miami qu’il s’est endormi dans la paix et pour le Royaume, dont il fut le témoin toujours inspiré. Cette figure de l’histoire est pour moi un visage très présent et amical, car il y avait dans ce regard une sorte de transparence à l’invisible. Son christianisme profond, indélébile, accompagnait sans cesse ses paroles, et cet homme, qui avait tant souffert, n’exprimait que miséricorde et pardon. Jamais, il n’a appelé à la vengeance et au ressentiment. Il n’était pas pour autant timoré, le militant qui avait affronté tour à tour deux dictatures, celle de Batista et celle de Fidel Castro. Cela ne l’empêchait pas de dire les choses en vérité, de faire le récit de ses vingt années de captivité, qui révélait tout de la cruauté d’un régime. Mais il voulait d’abord fonder un avenir de justice pour son peuple, et cet avenir excluait les règlements de compte sanglants.
C’est grâce à Robert Masson, alors directeur de l’hebdomadaire France Catholique, que j’ai pu faire la connaissance de Jorge Valls. Robert aimait beaucoup ce type d’apôtres exemplaires qui pouvaient nous réveiller de nos torpeurs. Il lui permit de s’adresser à des auditoires français, alors que le poète, à peine libéré, avait été jeté dans un avion pour Paris. Robert Masson avait aussi entrepris des démarches pour que son ami soit reçu à Rome par le pape Jean-Paul II. François-Régis Hutin, directeur du grand quotidien, Ouest France, qui était du voyage, a raconté que Valls, démuni de tout passeport, avait failli être refoulé à Rome. C’est le Saint-Siège qui prit l’initiative de fournir le document nécessaire. Quand Jean-Paul II arriva dans la salle où avait lieu l’audience, Jorge Valls se jeta dans ses bras en pleurant. Il avait apporté dans un linge un peu de la terre du tertre où l’on fusillait ses amis prisonniers. Cette scène hautement symbolique rassemblait en un seul mouvement toute une vie : vie de combat, vie de proscrit, vie de chrétien. Jorge Valls reconnaissait dans le successeur de Pierre celui qui authentifiait les causes auxquelles il s’était voué.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 27 octobre 2015.
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