John Henry Newman, un homme à la recherche de la vérité - France Catholique
Edit Template
Noël : Dieu fait homme
Edit Template

John Henry Newman, un homme à la recherche de la vérité

Copier le lien

John Henry Newman naît à Londres en 1801, dans une famille appartenant, par convention, à l’Église d’Angleterre, l’Église « établie » du pays. Cependant, si la « pratique » religieuse et la vie sacramentelle n’occupe qu’une place réduite alors dans cette vie – si l’on se rend à l’église le dimanche, c’est surtout pour entendre une prédication, l’eucharistie n’étant plus célébrée que quatre fois par an et généralement de manière expéditive – la lecture de la Bible y occupe une place centrale. À l’âge de 15 ans il fait une expérience éblouissante de Dieu comme Présence intérieure qui détermine le cours de sa vie : il en parle dans son autobiographie comme la « découverte de deux êtres – et deux êtres seulement – dont l’évidence était absolue et lumineuse, moi-même et mon Créateur ».

Il vit cette première expérience dans un contexte intellectuel profondément marqué par l’Evangelicalism, puissant courant présent au sein de l’Église anglicane issu du mouvement de revival ou renouveau inauguré par John Wesley au XVIIIe siècle. Si, plus tard, Newman prendra ses distances par rapport à certaines tendances de la pensée evangelical – l’importance accordée à l’affectivité, la conversion conçue comme un événement dramatique et bouleversant situé à un seul moment du temps, la relative indifférence à l’égard de l’Église « visible » ou institutionnelle – il insistera toujours sur tout ce qu’il a reçu de positif de ce courant du christianisme, qu’il a toujours conservé, et que son passage au catholicisme n’a fait que renforcer. Il retire de l’enseignement d’un auteur anglican situé dans cette mouvance, Thomas Scott, deux « maximes » qui vont l’orienter tout au long de sa vie : « la sainteté plutôt que la paix » et « la croissance est l’unique preuve de la vie » 1 .

Il est inscrit à l’âge de 16 ans à l’Université d’Oxford, qui fait alors partie de l’Establishment anglican et constitue le principal centre de formation de son clergé. Il va y rester pendant 28 ans, comme étudiant d’abord, ensuite comme enseignant-chercheur – fellow (membre agrégé) du plus brillant des collèges d’Oxford à l’époque, Oriel College. Mais il veut être aussi, selon son propre langage, « ministre du Christ ». Exceptionnellement chez un anglican de l’époque, il conçoit son ordination comme une consécration de toute sa vie ; et il voit un lien intime entre cette consécration et le célibat, chose inouïe à l’époque.

En 1828 il est nommé curé de la paroisse de Saint Mary the Virgin au cœur d’Oxford. C’est là qu’il prêche ses Sermons paroissiaux, publiés entre 1834 et 1843. Cette prédication est à la fois doctrinale ou dogmatique, d’une pénétration psychologique profonde, et d’une grande exigence morale (sans jamais pour autant tomber dans le moralisme). Elle vise aussi la vie spirituelle de ses paroissiens. Selon Newman, un sermon doit cibler une seule idée et la creuser avec un maximum de profondeur ; et son but doit être, d’abord, de « nous faire tourner le regard vers notre cœur pour le sonder » et, ensuite, d’« allumer dans nos cœurs le visage du Christ ».
À Oriel College, il découvre aussi avec passion les Pères de l’Église, et commence à les lire et à les étudier systématiquement. Peu à peu cette lecture renouvelle en profondeur sa propre pensée. Il découvre les deux dimensions de l’Église qu’il appelle « catholique » –universelle – et « apostolique » – l’enracinement dans une Tradition qui remonte jusqu’aux « Apôtres ». Or, l’Église anglicane à son époque a perdu cette conscience de son identité : elle est devenue avant tout une Église nationale, et se considère elle-même comme essentiellement « protestante ».

À partir de 1833, Newman et ses amis entreprennent donc, au sein du « Mouvement d’Oxford », de « re-catholiciser » cette Église et de l’enraciner de nouveau dans une Tradition « apostolique ». Ils publient des tracts – des pamphlets polémiques – pour diffuser leur pensée. Ils créent des anthologies d’extraits des œuvres des Pères. Newman donne des conférences, qu’il publie en volume. Et surtout, il prêche. Car le Mouvement d’Oxford n’est pas simplement un mouvement d’idées destinées à renouveler la théologie anglicane, il est d’abord et avant tout un mouvement de renouveau spirituel par la redécouverte de la vie sacramentelle, de la vie liturgique et de la vie de prière.
Cependant, à force de creuser le sens des notions d’« Église », de « catholicité » et d’« apostolicité », Newman en vient à douter de la fidélité de l’Église anglicane à celle des premiers siècles, qui est pour lui le modèle de référence. Il lui semble peu à peu que c’est, au contraire, l’Église catholique romaine qui est le véritable successeur de « l’Église des Apôtres » – alors qu’elle est à l’époque l’objet d’une haine viscérale chez la presque totalité des Anglais. Après une vie quasi-monastique menée pendant trois ans et demi, il est reçu dans l’Église catholique le 9 octobre 1845 par le P. Dominique Barberi, religieux passionniste italien en mission en Angleterre.

C’est, pour Newman, l’occasion d’une rupture personnelle terrible. Il perd son poste à Oxford, qui est une université anglicane. Il perd les revenus considérables attachés à ce poste. Pire encore, il perd la plupart de ses amis – car dans le contexte de l’époque, il est presque inconcevable qu’anglicans et catholiques puissent se fréquenter. Il est même rejeté par sa propre famille. Mais si Newman vit une rupture personnelle extrêmement douloureuse, en aucune façon il ne vit une rupture sur les plans intellectuel et spirituel. Il a tout simplement l’impression, comme il le dira lui-même dans l’Apologia, de « rentrer au port après avoir traversé une tempête »2 .

Seulement, l’Église catholique, tout en se réjouissant triomphalement de sa « conversion », ne sait guère que faire d’un homme aussi brillant, aussi original, ayant une pensée souvent en décalage avec l’étroitesse de la pensée catholique de l’époque. On lui confie des missions qui tournent court, faute de soutien de la part de la hiérarchie. À un moment donné il est même dénoncé à Rome pour hérésie !

Pendant presque 20 ans, aussi, il se trouve mis au ban de la société anglaise, et régulièrement attaqué, insulté, vilipendé. C’est pour répondre à une attaque particulièrement sournoise qu’il écrit en 1864 le récit de l’évolution de sa pensée, son Apologia pro vita sua. C’est le début d’un revirement étonnant de l’opinion publique en sa faveur. D’autres livres suivent qui sont également bien reçus – la Grammaire de l’assentiment en 1870, la Lettre au duc de Norfolk en 1875. Et il finit par republier l’ensemble de ses livres de la période anglicane sans, en général, y changer quoi que ce soit – signe éloquent de la continuité que lui-même voit dans sa pensée au cours des deux « moitiés » de sa vie.
En 1879, dans sa 78e année, il est élevé au cardinalat par le nouveau pape, Léon XIII. C’est enfin la reconnaissance qu’il souhaite de la validité et de l’orthodoxie de sa pensée.

Newman meurt, comblé d’honneurs, à l’âge de 89 ans – objet de l’estime et même d’un amour profond de la part de l’immense majorité des peuples anglophones, toutes confessions chrétiennes confondues.

— –

www.jhnewman-france.org


Le Père Keith Beaumont, prêtre de l’oratoire de France, président de l’association française des Amis de Newman, est notamment l’auteur de :

Prier 15 jours avec le cardinal Newman, Nouvelle Cité, 2005

John Henry Newman. Textes choisis. Editions Artège, 2010.

Bienheureux John Henry Newman. Une pensée par jour. Mediaspaul, 2010.

Petite vie de John Henry Newman. Nouvelle édition revue et augmentée, DDB, 2010.

Le Bienheureux John Henry Newman, un théologien et un guide spirituel pour notre temps.,
éditions du Signe, 2010. (La «biographie officielle pour la béatification ».).

Voir aussi : John Henry Newman, Saint Philippe Neri. Textes établis, présentés et annotés par Keith Beaumont. Editions Ad Solem, 2010.

  1. Apologia pro vita sua, Éditions Ad Solem, 2003, 2008, p. 124.
  2. Apologia pro vita sua, p. 421.