Une longue émission de télévision consacrée à Jésus sur France 2, cela ne peut évidemment nous laisser indifférents. J’ai donc regardé mardi soir le document réalisé par Stéphane Bern, dont le talent a souvent fait merveille dans le domaine des évocations historiques. Ce sujet-là était très particulier et réclamait des compétences très pointues. On ne traite pas la vie de Jésus comme on traite celle de Louis XIV, non seulement parce que les sources ne sont pas de même nature, mais parce que Jésus est le Christ, et que pour comprendre le mystère de sa personnalité, son message, ses miracles, sa mort et sa Résurrection, il faut accéder à un type particulier de savoir. Qui plus est, un savoir qui n’est pas indemne d’une prise de position personnelle. D’une certaine façon, le savant, l’historien, l’exégète est toujours sollicité par une question qui ne s’éteindra jamais : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » (Mt 16,13-15)
Les réponses ne sont pas du tout identiques, aujourd’hui. On s’en est aperçu au fil des séquences du film de Stéphane Bern, où divers spécialistes étaient invités à donner leur avis sur tous les aspects du problème exégétique. La méthode choisie rappelait celle inventée par Jérôme Prieur et Gérard Mordillat dans plusieurs séries déjà diffusées par la chaîne Arte. Il s’agit de créer une sorte de débat entre des interlocuteurs interrogés séparément et dont on a retenu quelques phrases significatives mises en vis-à-vis. Mais l’état d’esprit qui préside à un tel choix peut être très différent. Prieur et Mordillat, rationalistes militants, voulaient faire passer leur message très hostile au christianisme. Sur France 2, la tonalité était plus objective, les réalisateurs ayant manifestement voulu respecter la foi des chrétiens tout en donnant la parole à des représentants d’autres courants. Même le cardinal archevêque de Paris pouvait ainsi s’exprimer pour rendre compte de la cohérence d’une approche disciplinaire avec une foi éclairée.
Il y aurait beaucoup à dire sur certaines théories ou hypothèses avancées qui relèvent parfois de la pure fantaisie. D’une façon générale, il apparaît toujours difficile de séparer sa vision de l’histoire de sa philosophie personnelle et des préjugés du temps. On n’a cessé de le vérifier depuis le XIXe siècle, où beaucoup de biographies de Jésus nous en apprenaient plus sur la psychologie de leurs auteurs que sur l’homme de Nazareth ! Le document de Stéphane Bern nous aura néanmoins retenus par ses qualités indéniables et sa faculté à reposer à nouveau une interrogation inépuisable.