« Je suis l’Ange de la Paix » - France Catholique
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« Je suis l’Ange de la Paix »

Les apparitions de Marie aux petits bergers de Fatima ont été précédées par celles d’un ange, en 1916. Explications du Frère Jean-François de Louvencourt, trappiste et auteur de Saints François et Jacinthe de Fatima.
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Statue de « l’Ange de la Paix » sur le lieu des apparitions de Fatima, au Portugal.

Statue de « l’Ange de la Paix » sur le lieu des apparitions de Fatima, au Portugal.

© Castinçal – CC by-sa 3.0

On oublie souvent les apparitions de l’Ange dans les apparitions de Fatima. Qui est cet Ange de la Paix, que les petits bergers – Lucie, François et Jacinthe – voient en 1916 ?

Frère Jean-François de Louvencourt : L’une des grandes caractéristiques des apparitions de Fatima, c’est qu’elles sont très bibliques. Or Dieu, dans la Bible, aime envoyer des messagers – c’est le sens étymologique du mot ange. Qu’il suffise de penser, et c’est le plus bel exemple qui soit, à l’ange Gabriel que Dieu a envoyé à Marie le jour de l’Annonciation. À Fatima, Dieu commence aussi par envoyer un messager céleste qui se présente aux trois petits bergers en disant : « Je suis l’Ange de la Paix. » Le plus beau nom que l’on pouvait lui souhaiter. D’abord parce qu’un tel nom rassure les enfants dont la réaction bien compréhensible, en le voyant, a été la frayeur. Et aussi parce qu’au printemps 1916 leur pays, le Portugal, entre dans la guerre, la Première Guerre mondiale, et que c’est alors en France l’effroyable carnage de Verdun.

Quel est le sens de la prière que l’Ange leur apprend ?

La première chose que l’Ange demande aux petits bergers est capitale, parce qu’elle va déterminer le climat spirituel de toutes les apparitions qui vont suivre : « Priez avec moi. » Il précise bien : « avec » moi. De fait, il leur donne l’exemple en inclinant le front jusqu’au sol – l’attitude de l’adoration comme de la supplication – et en leur apprenant une courte prière1, dont les deux parties forment un parallélisme antithétique de mémorisation facile, et qui contient l’essentiel de la foi chrétienne : le théocentrisme – « Mon Dieu » –, les trois vertus théologales – la foi, l’espérance et l’amour –, l’adoration – attitude fondamentale de la prière – et la solidarité réparatrice et substitutive pour les autres – « je vous demande pardon pour […] ».

Les paroles de l’Ange, lors de sa deuxième apparition : « Offrez à Dieu un sacrifice, en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs », sont-elles le cœur des apparitions ?

Question plus difficile qu’il n’y paraît à première vue, tant le message de Fatima est riche, tant il est polyvalent. C’est pourquoi les réponses varient. Pour les uns, c’est la prière – en particulier le rosaire – et la pénitence. Pour d’autres, c’est la consécration du monde, ou la conversion des pécheurs, ou la paix entre les nations, ou l’eschatologie – l’enfer, le purgatoire, le Ciel –, ou encore le Saint-Père, ou le Cœur Immaculé de Marie.

Un jour, les petits bergers ont l’idée de se spécialiser, chacun se dévouant plus spécialement à l’une ou l’autre de ces intentions. La réaction de Jacinthe est immédiate : « J’offre pour toutes ces intentions, car je les aime toutes. » Comme elle a bien compris que le message de Fatima forme un tout indissociable ! S’il fallait pourtant choisir l’une de ces dimensions, ce serait la dernière : le Cœur Immaculé de Marie.

Justement, lorsque l’Ange dit : « Les Cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des desseins de miséricorde », qu’est-ce que cela nous dit ?

Dès sa première apparition, l’Ange déclare aux petits bergers : « Les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications. » Comme cette parole est réconfortante ! Car on se demande souvent si Dieu écoute vraiment nos prières. Eh bien, nous avons ici la réponse, et même une réponse céleste : Jésus et Notre-Dame sont attentifs à nos prières. Ce qui ne veut pas dire pour autant que nous serons exaucés sur-le-champ. Car Dieu a un « dessein de miséricorde » sur chacun, comme il en a eu un sur les petits bergers, et il nous exauce à la fois en fonction de son dessein d’amour et de l’intensité de notre foi.

L’Ange parle aussi de l’ange gardien du Portugal. Les nations ont-elles donc des anges gardiens ?

La réponse à cette question se trouve dans la Bible : « Le Seigneur a mis un chef à la tête de chaque nation » (Sir 17, 17), à savoir un ange, tel Michel, « le chef des anges » (Dn 12, 1), le protecteur du peuple d’Israël.

Les plus grands saints et docteurs de l’Église ne parleront pas autrement, tels saint Basile le Grand, saint Augustin, etc. Pas seulement les nations, mais chaque localité. Le jour où saint Jean-Marie Vianney voit pour la première fois, dans le lointain, le petit village d’Ars, il s’agenouille et invoque l’ange gardien de la paroisse dont il vient de recevoir la charge.

À sa troisième apparition, l’Ange fait communier les enfants : que leur apprend-il ?

C’est une autre dimension essentielle du message de Fatima : la dimension eucharistique. Lorsque l’Ange apparaît aux enfants, il tient un calice au-dessus duquel se trouve une hostie. De celle-ci tombent dans le calice quelques gouttes de sang. Tel est le caractère sacrificiel propre à l’Eucharistie que l’Ange donne à connaître aux enfants et qu’ils saisissent aussitôt. Notre-Dame dira la même chose, à sa manière, lorsqu’elle demandera, le 13 octobre 1917, que l’on construise une chapelle. Et les petits bergers ont eu pour l’Eucharistie un amour tout spécial et très émouvant. François, par exemple, pouvait rester plusieurs heures d’affilée en prière devant le Saint-Sacrement.

Que disent ces apparitions sur le sens de la souffrance ?

Notre-Dame demande aux petits bergers : « Voulez-vous vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer […] ? » Autrement dit, elle leur laisse toute liberté d’accepter ou non. Et voilà qu’ils acceptent, de façon aussi généreuse que spontanée : « Oui, nous le voulons. » Et comme ils sont seuls, personne n’a pu les influencer.

Quant au sens de la souffrance, le mieux est d’écouter le pape Benoît XVI, lors de son pèlerinage à Fatima, le 13 mai 2010, lorsqu’il s’adresse aux malades rassemblés sous l’une des colonnades du Sanctuaire : « Chers malades, confiez à Jésus toutes les contrariétés et les peines que vous affrontez, pour qu’elles deviennent – selon ses desseins – moyen de rédemption pour le monde entier. Vous serez rédempteurs dans le Rédempteur, comme vous êtes fils dans le Fils. » La souffrance est donc rédemptrice pour les autres et même – l’expression du pape est très forte – « pour le monde entier ». C’est assurément un mystère, là aussi, mais qui nous montre que la souffrance, acceptée et offerte, n’est jamais vaine.

Vous avez écrit un livre sur l’émerveillement. Les anges sont-ils les premiers émerveillés devant Dieu ? Peuvent-ils nous enseigner la louange ?

La Bible est remplie d’anges, dès la Genèse et jusqu’à la fin. L’Apocalypse, par exemple, évoque même des myriades d’anges. Et que font-ils ? Ils ne cessent de louer le Seigneur. Quant à l’émerveillement, peut-être est-on là en présence de la plus belle façon de louer Dieu. Mais les anges ne sont pas les premiers émerveillés devant Dieu. Quelqu’un les précède : c’est la Vierge Marie.

« Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux » (Mt 18, 10). Le témoignage des bergers de Fatima montre-t-il que les enfants peuvent être des maîtres dans la foi ?

Jésus est le premier à faire des enfants nos maîtres, lui qui a béni Dieu d’avoir caché les mystères du Royaume aux sages et aux savants, et de les avoir révélés aux tout-petits, aux enfants (cf. Mt 11, 25). Même chose à Fatima, puisque c’est à des enfants que Notre-Dame a confié des secrets qu’elle n’avait encore jamais révélés à personne. Les petits bergers : des maîtres spirituels, des maîtres en sainteté qui ont beaucoup à nous apprendre. Des maîtres d’autant plus sûrs et fiables qu’ils sont, en 2000 ans d’histoire de l’Église, les deux premiers enfants non martyrs à avoir été canonisés. Une révolution en son genre, puisqu’ils ouvrent ainsi toutes grandes les portes à la canonisation d’autres enfants.

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Saints François et Jacinthe de Fatima. Deux petites étoiles de lumière dans la nuit du monde, Jean-François de Louvencourt, éd. Emmanuel, 680 p., 25 €.

  1. « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, n’adorent pas, n’espèrent pas et ne vous aiment pas. »