Dans son récent entretien à La Croix, le pape François prenait l’exemple de son propre pays, l’Argentine, pour montrer la possibilité d’intégrer les musulmans dans un pays d’accueil. On lui a répondu à juste titre que le cas argentin ne pouvait être comparé à l’immigration actuelle en Europe. Il s’agit, en effet, d’un petit nombre de musulmans. La correspondante du Figaro à Buenos Aires cite le chiffre d’un million de personnes sur une population de 41 millions d’habitants. Et encore, ce chiffre est-il contesté par un spécialiste qui avance le chiffre de 100 000 musulmans. Ce chiffre semble corroboré par la très faible implantation locale des boucheries halal et des mosquées. De plus, cette petite communauté est intégrée depuis un siècle dans le pays et il n’y a aucun problème d’extrémisme fondamentaliste.
Sans doute, le Pape entendait-il insister sur la possibilité d’une telle intégration, en donnant un exemple probant. Exemple qui, d’évidence, a ses limites, vu les proportions et vu la distance temporelle. Cependant, on comprend mieux l’intention de François et son insistance sur le concept d’intégration, même s’il y aurait lieu de le préciser. Le Pape ne plaide pas pour une société multiculturelle avec des communautés marquant leur territoire. En recourant à l’histoire de la fin de l’Empire romain, François rappelle aussi le rôle de l’Église dans l’accueil de ceux qu’on appelait les barbares. Comment oublier que les dits barbares adhérèrent au christianisme, tels Clovis et ses Francs ? Ce n’est pas pour autant que le Pape s’engage dans une vaste entreprise prosélyte, dont il dénonce lui-même les relents colonialistes. Mais tout de même, il y a un problème d’adaptation et d’acceptation : adaptation aux mœurs d’un pays qui n’est pas une terre vierge et acceptation d’une culture, qui n’est pas la sienne et qu’il s’agit d’assimiler, quoi qu’il en coûte.
Et il peut en coûter beaucoup. Qu’on le veuille ou pas, nous vivons une période de grands défis, où il est extrêmement difficile de négocier ruptures et adaptations. Le bienheureux Frédéric Ozanam avait employé une expression provocante pour signifier sa résolution de répondre aux défis de son temps : Je passe aux barbares ! Oui, mais passer aux barbares, dans son esprit, ce n’était pas abdiquer ses convictions et son héritage. C’était se disposer à un long et difficile combat.