« Je crois ce qu’enseigne l’Eglise ». Prononcer cette phrase provoque l’étonnement, le rire, l’horreur ou même le mépris des non-catholiques et même d’un nombre non négligeable de catholiques. Quelques répliques peuvent suivre. « Vous pouvez ne pas être d’accord si vous le voulez. – L’Eglise n’a pas à vous dire ce que vous devez faire, surtout dans la chambre à coucher. – Vous n’avez pas envie de penser par vous même ? »
Il y a des hypothèses derrière ces réponses désinvoltes. D’abord, que l’enseignement de l’Eglise est assommant, archaïque ou hors de propos. Deuxièmement que ces enseignements n’ont pas à être suivis, chacun peut être en désaccord s’il le désire. Troisièmement, croire en ces enseignements revient à renoncer à sa liberté : chaque individu devrait décider de ce qu’il croit et comment agir sans être contraint par l’Eglise.
Ces hypothèses sont devenues si répandues qu’elles font partie du paysage religieux contemporain des adolescents et adultes catholiques, involontairement et insidieusement imbibés par la culture individualiste et relativiste. Elles ont facilité la perte par les catholiques des obligations envers l’Eglise par la grâce du baptême, remplaçant la dévotion filiale par la tension et la colère. Par une tragique ironie, l’Eglise fondée par le Christ pour nous mener à l’accomplissement ultime est perçue par de nombreux catholiques comme une barrière à cet accomplissement.
Expliquer pourquoi nous devrions croire ce qu’enseigne l’Eglise exige un important travail apolégétique – la foi, la liberté et l’Eglise doivent être libérées des chaînes de la dictature du relativisme. Une fois qu’elles sont libres, nous apprenons que ceux qui suivent de bon coeur l’enseignement de l’Eglise sont les seuls à être vraiment libres.
Croire, c’est accepter comme vrai ce que quelqu’un d’autre sait et a vu par lui-même. Le croyant, n’ayant pas accès à ce que sait le témoin, se repose entièrement sur la déclaration du témoin, il consent pleinement à cette vérité parce qu’il fait confiance au témoin. Pour cette raison, croire est un acte de liberté, puisque la réalité immédiate ne contraint pas son assentiment, comme le feraient par exemple une addition ou une soustraction. Le croyant veut croire, pas parce qu’il a vu la preuve, mais parce que, comme le dit Josef Pieper, il veut « participer à la connaissance de celui qui a la connaissance ».
La croyance est la principale source de notre savoir. Nombre de nos idées sur le monde, l’économie, la politique, la religion et autres domaines vient de la confiance que nous plaçons en d’autres qui rapportent ce qu’ils ont vu de leurs yeux depuis leur propre perspective.
La foi religieuse est similaire par sa structure, mais porte une différence cruciale : elle repose sur le témoignage de Dieu, qui ne peut être rencontré et contre-interrogé comme un témoin humain. Le témoignage de Dieu est ce que nous appelons la Révélation – le contenu de l’enseignement de l’Eglise qui a été transmis au temps présent pas les Ecritures et la Tradition.
Mais comment peut-on faire confiance au témoignage d’un témoin invisible et non-assignable en justice ? Bien plus, pourquoi devrions-nous obéir à ce témoignage ? Il y a plusieurs façon d’aborder ces questions, choisissons en rien qu’une. Les catholiques croient que Dieu s’est révélé progressivement au cours des siècles à l’humanité, jusqu’à ce qu’il se fasse lui-même humain. « C’est pour cela que je suis né et venu dans le monde, pour porter témoignage à la vérité. Tout homme qui est de la vérité écoute ma voix (Jean 18:37) »
Jésus-Christ est le témoin par excellence de la réalité de Dieu. Nombreux sont ceux qui ont écouté Jésus, qui l’ont vu agir, et ils ont choisi librement de croire en lui. Ils sont devenus les témoins du témoignage de Dieu donné par l’Homme-Dieu. Et parce qu’ils ont propagé ce témoignage aux autres dans des contrées hostiles, ils sont devenus une nouvelle sorte de témoins – ils sont devenus des martyrs, des hommes et des femmes qui meurent parce qu’ils portent eux aussi témoignage de la réalité de Dieu.
Depuis vingt-et-un siècles, des hommes et des femmes de toutes origines sont morts pour Dieu en martyrs. Invariablement, le portrait de ces martyrs fait ressortir leur esprit lucide et leur dévotion divinement inspirée face à la cruauté des tortures. Ils ne se sont pas opposés à la mort parce qu’ils étaient certains, en raison de leur entière confiance en Dieu, que tout ce que Dieu avait révélé et transmis à travers son Eglise était vrai et valait la peine de sacrifier sa vie.
Croire ce qu’enseigne l’Eglise est en fin de compte croire que Dieu, qui ne peut ni tromper ni être trompé, nous a parlé en vérité, et que son témoignage de la vie avec Lui – maintenant et dans l’éternité – mérite de tout lui sacrifier de ce côté du paradis. Vivre de cette façon, se confier entièrement à Dieu que nous ne pouvons voir, est certes difficile et risqué. Et cette foi ne peut être embrassée sous la contrainte, puisque la récompense promise transcende les limites de la gratification physique.
Voilà pourquoi croire ce qu’enseigne l’Eglise c’est être vraiment libre. L’Eglise a été dotée par Dieu de sa Grâce et de ses Lois pour suivre le chemin vers Lui. D’innombrables témoins ont attesté de l’authenticité du témoignage de l’Eglise par leur vie et par leur sang. Si nous voulons être libre comme ils ont été libres, nous devons désirer croire l’enseignement de l’Eglise.
Illustration : le concile de Trente par Pasquale Cati (1588)
http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/i-believe-what-the-church-teaches.html