Qu’est-ce qui vous nourrit aujourd’hui ? Donner son opinion, mais pour dire quoi aux Français ?
Franck Ferrand : Le livre a été écrit pendant le premier confinement. Un temps de réclusion qui m’a profondément perturbé car j’estime qu’il n’était pas justifié. On a surréagi. Je voyais les conséquences effroyables pour la société. Cela me mettait très en colère. J’ai pris cet enfermement à rebrousse-poil mais, à titre personnel, cela a été une divine surprise ! On m’a offert deux mois de tranquillité. Ce fut une retraite au sens religieux. En tant que citoyen, j’étais très en colère. Mais en tant que personne, j’étais très heureux. Je devais écrire un livre sur les frères Corneille. J’avais toute la documentation sur le canapé. Et je me suis mis à écrire comme si c’était automatique. Mais sur ma Jeanne du XXIe siècle ! Je portais ce projet finalement.
Ce fut un changement profond à tous les égards, comme si j’accouchais d’une part de moi-même. Mon sujet d’étonnement : la politique. J’ai fait Sciences Po… mais je ne m’intéresse à la chose publique que depuis une dizaine d’années. Je veux cependant maintenant réagir car je vois sombrer le monde que j’aimais. Je n’arrive pas à vivre le virage numérique comme une chance. Ce n’est pas mon monde. Je ne vois en lui que contraintes et déshumanisation. Je le vis comme une défaite nationale ! J’ai tendance à chercher des coupables. J’ai découvert que nous étions en train de laisser mourir notre pays. J’ai voulu commencer à entrer dans le débat public à cause du rejet officiel de tout ce que j’aime : la grandeur de la France. J’entre en résistance.
Êtes-vous à la recherche de votre identité profonde ? Passe-t-elle par le catholicisme ? Sur le plateau de l’émission En Quête d’Esprit sur Cnews en novembre dernier, vous avez eu de très belles paroles pour le Christ Roi…
Je suis née dans une famille catholique. J’ai fait ma communion et ma confirmation. Mes parents n’allaient pas à la messe mais moi, j’étais obligé d’y aller. Mon côté peu porté sur la foi, je le dois à ma mère mais le respect de la tradition catholique, je le dois à mon père. Je sais ce qu’est Dieu dans le monde. Je refuse la déchristianisation. J’ai fait une retraite à l’abbaye de Solesmes alors que je me trouvais dans la Sarthe pour l’enregistrement d’une émission de télévision. J’ai été lavé pendant quarante-huit heures par les offices, par la liturgie…
Je regrette de ne pas avoir la foi au sens catholique du terme mais Jésus m’inspire. Moi qui suis féru d’art, l’enveloppe artistique du Christ m’a-t-elle éloigné de son enseignement ? Les circonstances de ma vie font que je suis toujours entouré de personnes très catholiques. Je vis dans un monde et dans un bain catholique, sans être pratiquant. Mais je ne suis pas en recherche même si j’ai la volonté de me rapprocher de Dieu.
Qu’est-ce que vous attendez du catholicisme ? De la figure du Christ ?
L’Église a nimbé la religion de trop d’habits. Je voudrais qu’elle laisse passer plus de lumière pour moi ! Je n’ai que de la bienveillance à l’égard des croyants. La chaleur, la communion, la charité contagieuse, je la ressens. Le travail que j’ai fait pour une émission de radio sur les Dialogues avec l’ange, de Gitta Mallasz, a été très important. J’aimerais aller plus loin.
Depuis que je me libère, cela me ramène toujours dans un monde ouvertement catholique. Je cherche Dieu, je ne cherche pas forcément l’Église mais elle, elle me cherche ! Dieu a beaucoup d’humour. Tout me ramène à lui. Je suis en permanence sollicité pour faire des conférences sur Bernadette Soubirous, Thérèse de Lisieux, sainte Geneviève, Jeanne d’Arc. Depuis un an et demi, c’est comme si on me demandait tout le temps d’être un porte-voix de l’Église.
L’historien que vous êtes assume-t-il les racines chrétiennes de la France ?
Oui. Quand faire naître la France ? Au baptême de Clovis ! La France a sur son sol 42 000 églises consacrées, quand elle compte par ailleurs 2 000 mosquées et 500 synagogues. Un dessin vaut mieux qu’un long discours ! Mais je ne suis pas pour inscrire les racines chrétiennes de la France dans la Constitution. Il faut arrêter de tout vouloir mettre dans notre Constitution ! Le combat passe par la culture et le développement personnel. Une liberté perdue ne se retrouve jamais.
Vous êtes partisan de la résurgence du roman national. Faire aimer la France c’est l’urgence des années qui viennent ?
Nous vivons dans une époque ou certains termes sont maudits. L’expression « roman national » est une façon pour le peuple de communier. Je défends le socle commun de notre histoire. Faire aimer la France c’est le plus grand service que l’on puisse rendre à ceux qui l’habitent quelles que soient leurs origines, leur ancienneté sur le territoire.
Une France qui ne saurait plus se faire aimer est une France qui saurait seulement se faire détruire.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.
— Franck Ferrand, L’année de Jeanne, Plon, 288 p., 18 €.
— Franck Ferrand, L’année de Jeanne, Plon, 288 p., 18 €.