En Irlande, le temps, semble-t-il, a deux visages. Ou bien il pleut, ou bien il va pleuvoir. C’est au moins ce qui s’est passé la semaine dernière quand les restes du vent et de l’eau de l’ouragan Ernesto ont touché les côtes occidentales.
Je suis allé là-bas faire de la marche – mon stratagème de chaque été pour retrouver terre est de me donner quelques jours de fatigue et d’effort au grand air, aussi loin que possible de l’agitation de l’Eglise et du monde. Les cieux ont été suffisamment cléments pour nous permettre un beau et grand circuit dans les hautes collines rocheuses qu’on appelle les Burren et une marche toute simple le long des falaises de Moher. Aujourd’hui nous monterons en pèlerinage au Croagh Patrick.
Le temps géologique n’est pas l’éternité, bien sûr, mais quand vous entrez énergiquement en contact avec des configurations naturelles qui ont pris des centaines de millions d’années pour se former, cela place les affaires humaines dans une perspective différente.
C’est une très bonne chose aussi parce que tout cela est un prélude aux événements qui vont se dérouler à Dublin et Cork dans le courant de la semaine. Evénements (pluriel), parce que, outre la “Rencontre mondiale des familles” (World Meeting of Families. WMOF), si mal placée et en partie mal conçue, il y a aussi d’autres rassemblements “alternatifs”. Je vais moi-même donner la conférence de conclusion dans un de ces rassemblements qui soutiennent la famille traditionnelle (avec le cardinal Burke, le père Thomas Weinady, Edward Petin et d’autres amis). Nous en reparlerons, je l’espère, dans les comptes rendus que nous ferons, plus tard dans la semaine.
La Rencontre mondiale des familles a subi un choc avant même qu’elle commence. Les nouvelles révélations sur des viols ont contraint les cardinaux O’Malley et Wuerl, orateurs prévus, à se retirer. Plus de 10.000 personnes ont signé une pétition appelant à désinviter le père James Marin, s.j., avocat bien connu de la “construction de ponts” pour les gens à tendances homosexuelles et autres désordres. On ne l’a pas fait. Mais la publicité négative a probablement contraint les organisateurs de la conférence à refuser à deux groupes LGBT de louer des stands. L’excuse : on ne savait pas combien il y aurait de place disponble pour les exposants. Rien à faire avec la doctrine catholique, bien sûr.
Un porte-parole de l’un des groupes a émis l’avis que le pape François veut accepter les gays mais que les forces conservatrices d’opposition au Vatican l’en ont empêché. Ce n’est pas du tout clair. Le pape a pressé les évêques italiens de ne pas admettre au séminaire les hommes, même simplement suspects d’homosexualité. Et il s’est même demandé à haute voix comment tant de ces hommes étaient devenus prêtres.
C’est vrai que le cardinal Kevin Farrell, originaire d’Irlande qui comme chef du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie était responsable de l’organisation de la Rencontre, a soutenu chaleureusement le livre de Martin, Building a Bridge [Construire un pont], disant que cela “aiderait les catholiques LGBT à se sentir davantage chez eux dans ce qui est, après tout, leur Eglise.”
Mais non. L’Eglise n’est pas la leur – ni la sienne, ni la mienne. C’est celle du Christ. Lui et une longue tradition nous ont laissé des instructions tout à fait explicites sur ce sujet et sur bien d’autres.
En attendant, les gays et les dissidentes d’Irlande se sont publiquement plaints qu’ils ne se soutenaient pas suffisamment les uns les autres. Des femmes ont été les organisatrices pourtant. Samedi, le jour de l’arrivée du pape François, l’Ecole de religion de Trinity College abritera un événement indépendant, “Les voix que le pape François n’entendra pas.” Mais il serait difficile à quiconque ces jours-ci de ne pas avoir entendu ces “voix” puisqu’elles parlent de questions progressistes plus que banales : la marginalisation des femmes dans l’Eglise, la diffamation des catholiques LGBT, la contraception, l’avortement, la crise des viols.
Le programme pour la Rencontre officielle n’innove guère non plus. La plupart des sujets semblent être la sorte de choses que les gens investis dans le travail sur la famille font régulièrement. Il n’ a pas de mal à cela, bien sûr, et c’est toujours une bonne chose quand deux ou trois sont réunis en Son nom. Mais les Irlandais, viennent d’approuver par vote, à une large majorité, le droit de tuer leurs propres enfants dans le sein de leurs mères.
Pourtant, si mes yeux ne me trompent pas, le mot d’avortement n’apparaît pas dans le titre d’aucune des sessions.
Rien de ceci ne semble capable à changer quoi que ce soit dans la crise globale de la famille – et dans la crise globale de l’Eglise en ce moment.
L’impact de cette Rencontre dépendra largement de ce que le pape François dit et fait. Son homélie de conclusion à la précédente Rencontre mondiale des familles à Philadelphie, était surprenante. Il transforma l’Evangile du jour – qui n’est pas avec nous est contre nous – en un blâme à l’égard des catholiques trop “étroits”. Je couvrais l’événement pour EWTN et s’il ne me laissa pas tout à fait sans voix, c’est parce que sans voix on ne peut continuer à vivre. Mais il était clair – nous étions entre les deux Synodes sur la famille – qu’il essayait de diriger les choses dans les directions que, depuis, nous l’avons vu prendre.
Il y avait 40.000 personnes venues du monde entier pour l’événement et il finit par parler, comme à son habitude, de petits actes de gentillesse et d’affection à l’intérieur de la famille, et des réalités plus larges de l‘engagement entre l’homme et la femme. Mais la manière dont il traite la chose – introduisant ambiguïté et même critique des idées fortes sur la famille – a donné à l’ensemble une autre couleur.
Dans une veine similaire, quelqu’un en Irlande ou à Rome (ou les deux) a approuvé pour la Rencontre un calicot qui a été placé dans presque toutes les églises d’Irlande cette semaine et portant une citation du pape François :”Comme la vie de famille serait meilleure si nous utilisions les mots… S’il vous plaît, merci, pardon”. Bon conseil, et vraiment très modeste.
Mais, vu les orages immenses et indéniables qui frappent la famille – tout ce qui vient des normes légales et culturelles facilitant le divorce, encourageant l’effondrement démographique de quasiment toutes les nations développées à cause de la contraception et de l’avortement, la confusion délibérée des sexes, la validation rampante des relations homosexuelles à l’intérieur de l’Eglise Elle-Même (sans oublier les dommages que les abus sexuels ont faits à la crédibilité de l’Eglise), l’Irlande – et le monde – ont besoin d’un message bien plus fort.
Je me demande si nous l’aurons.
lundi 20 août 2018
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/08/20/o-ireland/
Photo : La montagne de saint Patrick
Robert Royal est le rédacteur en chef de The Catholic Thing, et le président du Faith & Reason Institute [“Institut Foi et Raison”] à Washington, D.C. Son dernier lire est A Deeper Vision: The Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth Century (Ignatius Press). The God That Did Not Fail: How Religion Built and Sustains the West, est maintenant disponible en Livre de poche chez Encounter Books.