Iran en l’an 1431 de l’Hégire : dans l’attente du Mahdi - France Catholique
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Iran en l’an 1431 de l’Hégire : dans l’attente du Mahdi

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C’est à l’occasion de la sixième conférence internationale sur la doctrine du Mahdisme que j’ai été invité à Téhéran pour y participer en tant qu’auteur d’ouvrages sur l’eschatologie. L’Iran qui compte environ 70 millions d’habitants, dont la majorité est chiite, se trouve aujourd’hui, on le sait, au cœur des événements du Moyen Orient. Les participants, au nombre de 75, venus d’une trentaine de pays d’Asie et d’Afrique, étaient reçus aux frais du gouvernement dans un hôtel, genre Hilton, avec des séances solennelles tenues dans un vaste palais sous la présidence de hautes autorités religieuses, politiques et militaires.

On change presque de planète en arrivant à Téhéran dans le magnifique aéroport qui dessert cette ville d’environ 15 millions d’habitants dont les femmes uniformément habillées de noir donnent l’impression de sortir d’un vaste couvent de carmélites. Les formalités furent rapidement réglées avec beaucoup de courtoisie et les participants pris en charge.

Avant d’aller plus loin il faut indiquer que le chiisme branche minoritaire de l’islam avec environ 200 millions de fidèles, se réclame d’Ali, gendre du Prophète dont descend le Mahdi (le bien guidé) né en 868 et disparu en 874. Il resterait invisible jusqu’à son retour, avec Jésus, à la fin des temps pour établir la justice et la paix sur terre. Les chiites attendent donc le retour du Mahdi, Iman caché disposant de pouvoirs sacrés du fait de sa parenté avec le Prophète. La Grande Occultation de ce Madhi invisible a commencé vers 940 et, selon la tradition orale (hadiths), il devrait revenir vers l’an 1400 du calendrier de l’Hégire or nous sommes actuellement en 1431 (2010 du calendrier grégorien) mais des hadiths indiquent un délai possible de 30 années (lunaires) après 1400. Le Mahdi serait d’abord méconnu par la majorité du peuple et même persécuté dans un monde corrompu avant de ramener les croyants puis l’humanité entière aux valeurs morales de l’islam. Le « prophète » Jésus reviendrait sur terre pour combattre l’Antichrist et aider le Mahdi qui est pour les chiites et plus généralement pour les musulmans, le véritable sauveur de l’humanité et l’instaurateur d’un âge d’or. 1

Le colloque visait donc à préparer la venue du Mahdi et, lors des séances solennelles, des Ayatollahs, des hommes politiques et des représentants de l’armée vinrent situer les perspectives eschatologiques dans leur contexte politique actuel en utilisant un langage énergique. Cette manière de faire se retrouve dans les prières du vendredi des mosquées de l’Iran où chaque iman enseigne le Coran et informe les croyants sur la situation politique et militaire du jour.

Eschatologie musulmane et géopolitique étaient ainsi au programme et tout s’acheva à Quom, ville sainte aux mosquées splendides, qui fêtait justement le 26 juillet le Mahdi. Un clergé très hiérarchisé comptant environ 100 000 mollahs et 1000 ayatollahs sous l’autorité du grand Ayatollah, encadre une théocratie qu’on peut qualifier de militaire dans le cadre d’une civilisation raffinée remontant à l’empire perse. Selon les chiffres officielles, les minorités chrétiennes comptent 10 000 membres dont 8 000 catholiques chaldéens et il y a environ 20 000 juifs.

Près de la moitié des participants étaient des femmes uniformément vêtues de noir si bien que l’on ne pouvait distinguer les mères de familles accompagnant leur mari des étudiantes qui faisaient une communication. L’une d’elle avait choisi de parler de l’Utopia de Thomas More !

Mon texte sur l’Antichrist, écrit en français, n’a pu être présenté et c’est dans de longues interviews (plus de deux heures) à différentes chaînes de télévision iraniennes que j’ai pu donner mes interprétations de l’eschatologie chrétienne et surtout répéter que Jésus-Christ, dont il était fréquemment question, n’était pas seulement un homme, mais aussi une Personne divine selon une théologie monothéiste.

Des rencontres avec des participants venant d’Asie et d’Afrique étaient suscitées par la croix et mon col romain qui les intriguaient 2, mais la convivialité souriante des Iraniens, davantage intéressés par la théologie que par la politique, créait une bonne atmosphère. En revanche les discours sur le Mahdi étaient bien artificiels, malgré une mise en scène solennelle. Maints traits du Bien guidé sont empruntés à l’humanité du Christ considéré comme un simple prophète. On compte depuis 1000 ans une dizaine de prétendus Mahdi, mais le vrai resterait invisible. Dans un monde difficile, les chiites iraniens veulent un sauveur peint à leur image et les traits eschatologiques de leur tradition correspondent à une culture de minorité persécutée par une majorité sunnite.

On pense au Court récit sur l’Antichrist de Vladimir Soloviev (1900), décrivant un Antichrist humaniste prêchant la paix et la prospérité, un christianisme sans le Christ et de fait le Mahdi est présenté comme le véritable Sauveur dont le Christ serait le précurseur humain. Saint Jean nous dit que le signe de l’Antichrist c’est la négation de l’Incarnation, de la divinité de Jésus, du Verbe fait chair !

Cette rencontre avait lieu dans un contexte international vraiment eschatologique puisqu’on apprenait que le Congrès américain avait voté une motion autorisant le Président à permettre une attaque par Israël tandis que les porte-avions US croisaient dans le Golfe persique. Les chiites, notons-le en passant, entourent littéralement 60% des réserves mondiales du pétrole, tandis que la bombe atomique se démocratise. Jean Guitton évoqua un jour les anges de l’Apocalypse qui prenaient position !
Parmi les rencontres faites lors du colloque deux professeurs algériens formés à la Sorbonne et francophiles, des Égyptiens qui ont vu les apparitions de la Vierge au Caire au-dessus d’une église copte, des Philippins, des Indiens et notamment deux brillants étudiants iraniens en physique et en philosophie dont le grand père était ayatollah. Le philosophe s’intéresse surtout à Kierkegaard. Nous nous sommes retrouvés chez ces étudiants avec un ami français pour parler du Christ qui n’est pas seulement un homme, mais aussi Dieu. La grande explication est donnée par Bossuet : « l’Amour descend ». Visite à l’évêque chaldéen catholique qui a étudié en France puis déjeuner cher le Nonce.

Pour construire la « Civilisation de l’amour », dont parle l’enseignement social chrétien depuis la mémorable homélie de Paul VI à Noël 1975, il faut se connaître et annoncer à la grande « famille humaine », qui a tant de visages, que le Christ est invisiblement présent : C’est le Christ parmi vous ! L’espérance de la gloire ! (Col.1,27)

  1. Une Somme intitulée : The Prophet Jesus and Nazrat Maahdi will come this century rédigée par un auteur turc Adnan Oktar, vient de paraître en juillet 2010 à Istanboul 1176 p. (grand format)
  2. Je ne représentais que moi-même, mais avais demandé à un cardinal romain son avis avant d’accepter l’invitation.