Le site Atlantico a eu l’idée de reprendre les données statistiques d’une étude de l’Ifop, parue en 2010, sur l’évolution du catholicisme en France et la pratique religieuse. À un moment où l’on fait le point sur la situation et l‘avenir de l’Église catholique, il est de bonne méthode de se fonder sur des données fiables, pour discuter sérieusement du sujet. Mais, en sociologie, il ne suffit pas de recourir aux « faits », il faut encore savoir les interpréter. Et c’est là que commencent les difficultés. Invité par Atlantico à commenter ce sondage, je me suis trouvé en opposition totale avec le sociologue Olivier Bobineau, qui recherche une illustration directe de sa thèse, qu’il énonce partout dans les médias : « On remarque clairement le déclin d’un système, le déclin paroissial du modèle de gouvernement catholique depuis la Réforme du XVIe siècle. Depuis cette époque, il existe un modèle (contrôle des esprits, sacrements, messes, etc.) qui va culminer jusqu’à la fin du XIXe siècle. Depuis la Seconde Guerre mondiale, c’est terminé. »
Le côté d’évidence polémique d’une telle analyse n’est pas douteux. Son apparence scientifique n’impressionne que ceux qui partagent les présupposés du sociologue. Celui-ci serait bien en peine d’être confronté aux statistiques à propos du protestantisme européen, dont on peut se demander à meilleur escient s’il ne va pas être purement et simplement remplacé par l’évangélisme venu d’Outre-Atlantique. C’est peut-être que le modèle explicatif d’Olivier Bobineau est à revoir. Mais cela demanderait de longues explications. C’est la transmission de la foi qui s’est trouvée empêchée depuis plusieurs décennies. Quelle en est la cause véritable ?
Par ailleurs, contrairement à l’adage, il arrive qu’une forêt déclinante cache les jeunes pousses qui demain la régénéreront. Car, si le regard de l’observateur se concentre sur les paroisses et les communautés les plus vivantes, il s’aperçoit que les prétendues fatalités statistiques y sont défiées voire retournées. Le modèle que l’on pense caduc y apparaît jeune et vivant. Pourquoi n’incarnerait-il pas une promesse ? Les historiens savent que le territoire français a été réévangélisé plusieurs fois. La notion de nouvelle évangélisation n’est donc pas si surprenante. Les statistiques de la foi n’ont pas le caractère inflexible des statistiques démographiques. La petite fille espérance de Péguy surgit au coin de l’Histoire, au moment où on l’attend le moins.
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