Thomas Piketty, l’économiste français, a fait un malheur aux États-unis avec son ouvrage intitulé Le capital au XXIe siècle. Le prix Nobel Paul Krugman n’a-t-il pas qualifié ce livre de « peut-être le plus important de la décennie. Nous ne parlerons plus jamais de richesses et d’inégalités de la même façon »? C’est en effet la thématique de l’égalité et de l’inégalité qui est au cœur de la démonstration de Piketty, lequel met en évidence la forte progression des revenus des plus riches depuis le milieu des années 80. Cet accroissement de la richesse au sommet pourrait être le signe d’une croissance économique, favorable à tous. Malheureusement, il apparaît que parallèlement les pauvres se sont appauvris.
Je n’ai pas la compétence nécessaire pour entrer dans un débat d’économistes, notamment à propos de cet instrument qu’est la mesure des inégalités. Il est fort possible qu’il soit opérationnel pour rendre compte des principales coordonnées des réalités économiques. Quant à moi, alerté par Charles Péguy à ce propos, j’examinerais la question sous l’angle de la pauvreté. La pauvreté d’une grande partie de la population mondiale engendre-t-elle de la misère ? Car ce qui rend l’inégalité insupportable c’est la déshumanisation dont elle est cause, et qui parfois est carrément désastreuse, attentatoire à toute espèce de dignité.
Il y a une vieille et toujours récurrente discussion de nature philosophique sur l’inégalité, en dehors des paramètres de l’économie. Est-elle le mal en soi ? L’humanité sera-t-elle pleinement réalisée lorsque l’égalité sera généralisée ? On peut en douter, l’utopie totalitaire ayant été souvent inspirée par des perspectives égalitaires caricaturales. Philosophiquement, ce qui fait le propre de l’homme dépasse égalités et inégalités. Le handicap intellectuel, inégalité redoutable, n’est pas négateur de la dignité. Nous savons combien il peut révéler a contrario une richesse de cœur bouleversante.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 10 décembre 2014.
