Ainsi, il faut se rassurer. Vous avez sûrement appris la bonne nouvelle dans vos médias préférés : nous ne sommes pas racistes, et nous le sommes de moins en moins. C’est la commission nationale consultative des droits de l’homme qui l’affirme en brandissant pour preuve une étude précise, concernant ce qu’elle appelle l’indice longitudinal de tolérance en France pour l’année 2015. J’avoue que j’ignorais cette expression : indice longitudinal de tolérance, mais même à mon âge, il faut s’instruire tous les jours. On dira que je me moque de la sociologie et de ses experts ? Ce n’est pas tout à fait inexact, même s’il y a sociologie et sociologie et si tous les sociologues ne se valent pas. Il s’agit d’une discipline complexe, dont les fondements posent problème, car ils sont liés à des choix philosophiques. Une grande partie de la sociologie française est toujours structurée par la relation dominateur/dominé ou exploiteur/exploité. J’admets que c’est une façon de voir les choses, mais elle n’est pas exclusive d’autres points de vue.
Dans le cas du racisme, je crains que ce soit précisément le même type d’équation binaire qui prévaut : raciste/non raciste. Bien sûr, il doit y avoir du racisme en France, comme ailleurs, mais je ne suis pas sûr que poser la question de la cohabitation des cultures en ces termes soit pleinement satisfaisant. Les auteurs en quête de notre fameux indice longitudinal semblent partir du principe que tout repose sur l’acceptation ou le refus de ce qu’ils appellent « la société multiculturelle ». Mais ils n’ont pas l’air de supputer qu’on peut très bien accepter une société multiculturelle, en faisant preuve d’intolérance à l’égard de ceux qui n’appartiennent pas à votre communauté ou à votre culture. C’est le cas aux États-Unis, société multiculturelle par excellence où les oppositions raciales sont beaucoup plus vives que chez nous. La formule de ce que certains appellent l’identité heureuse n’est pas si facile à trouver. Chez nous, on a cru longtemps qu’elle s’identifiait à l’acceptation d’une culture commune. Ce n’est plus le cas, aujourd’hui. Ce qui explique nombre de nos difficultés qui ont peu à voir avec une sorte de racisme inné dont rendrait ou ne rendrait pas compte ce fameux indice longitudinal.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 3 mai 2016.
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