Impressions fondées et fausses impressions - France Catholique
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Impressions fondées et fausses impressions

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Observer de loin un synode – ou même de tout près – peut parfois produire une fausse impression. Les seuls moments où il peut sembler que « quelque chose arrive », c’est quand quelque bizarrerie se fait jour, comme quand un archevêque canadien suggère l’ordination de diaconesses comme moyen de remédier au manque de vocations sacerdotales au Québec. Ou quand un véritable fou sort du lot, comme l’archevêque panaméen qui suggérait à propos du divorce de laisser tomber Jésus et d’en revenir à Moïse. Il ne nous reste plus à entendre de sa part si, au point où on en est, il suivrait également la loi de Moïse contre l’actuelle indulgence pour les relations homosexuelles. Mais vous voyez le tableau.

Étant donnée la composition du corps des pères synodaux, dont la plupart ont été élus chez eux par leurs conférences épiscopales, aucun de ces non-sens ne semble pas le moins du monde susceptible d’aller très loin et ne devrait inquiéter personne. Prenez l’Amérique. Les cardinaux DiNardo et Dolan, ainsi que les archevêques Kurtz, Chaput et Gomez – tous des hommes avisés – forment notre délégation. Et l’archevêque Cordileone, de San Fransisco, dont on ne trouve pas plus brave dans notre hiérarchie, a été sélectionné comme suppléant. Il n’y a que l’archevêque Cupich, choisi comme second suppléant et ultérieurement nommé au synode par le pape François pour avoir des intentions réformistes.

Toutes les délégations nationales ne sont pas aussi solides que la nôtre, bien sûr, et il y a toutes sortes de non-sens amoraux rôdant dans le document de travail officiel qui doit toujours être soit amendé soit rejeté par les évêques qui travaillent dessus. Et nous allons découvrir, aucun doute là dessus, toutes les cartes que les partisans de Kasper et consorts se préparent à jouer comme nous approchons du moment des décisions pratiques.

Cependant, d’après le dépouillement actuel, un nombre surprenant de pères synodaux, quelque chose comme la majorité, sont très lucides et plutôt préparés à ce qui va arriver. En ce moment, l’internet bourdonne avec la « nouvelle » que treize cardinaux auraient envoyé il y a une semaine une lettre au pape pour énoncer leurs inquiétudes concernant les procédures, le contenu, et les personnes choisies pour rédiger le rapport final. Leur nombre est controversé et il semble qu’une version pas entièrement fidèle de cette lettre a été divulguée – peut-être comme moyen de discréditer toute l’entreprise en semant la confusion dans les médias. (NDT : l’existence d’une telle lettre n’est pas avérée, c’est un bruit qui court)

Mais c’est depuis quelques jours à Rome un secret de polichinelle qu’un nombre significatif de cardinaux de haut rang ont remis un message au Saint-Père lundi passé, premier jour de travail du synode. L’allocution inhabituelle du pape le matin suivant était, j’en suis persuadé, au moins partiellement en réponse à cette lettre, qui indiquait clairement qu’il y a un nombre de pères synodaux bien plus important qui entretient une profonde méfiance à propos de tout ce qui se produit. Le pape François n’a rien changé, a essayé de rassurer tout le monde dans son discours, mais continue de faire face à un large bloc de cardinaux et d’évêques respectueusement sceptiques quant aux bases du synode.

Il vaut la peine de se souvenir que l’archevêque de Brisbane Mark Coleridge, qui s’est dit favorable à prendre en considération la proposition de Kasper (bien qu’il affirme qu’il ne pourrait pas voter en définitive pour elle) estimait la semaine dernière que les deux tiers des votes du synode s’opposeraient à Kasper si c’était un strict oui ou non. Nul ne le sait avec certitude, bien sûr, mais si vous parcourez les listes et essayez d’imaginer ce qui est le plus probable, vous ne mettriez pas votre tête à couper sur l’autorisation de la communion aux divorcés remariés. Du moins pas avec un simple vote des participants au synode.

Il semble que nous voyons une autre idée flotter dans l’air : ce pourrait être les conférences des évêques nationales et régionales qui prendraient les décisions en matière de pastorale locale qu’il serait difficile de résoudre par une législation uniforme à Rome. Il n’y a rien de mal à une subsidiarité appropriée au sein de l’Église, évidemment, mais par essence cet effort est un moyen d’essayer d’exprimer en douceur ce que le cardinal Marx exprimait sans ménagement plus tôt cette année : certaines conférences des évêques pensent qu’elles ont leur propre autorité dans les matières controversées et qu’elles peuvent agir de leur propre initiative sans attendre l’aval de Rome.

Ce rebondissement dans la façon d’aborder la question de la communion aux divorcés remariés (et probablement aussi celle des relations homosexuelles) pourrait attirer un peu plus d’évêques dans le camp réformiste. L’archevêque Coleridge estime que la répartition pour une telle proposition serait proche de 50/50. mais des voix se sont également élevées pour dire le contraire : que la diversité catholique est pour le bien de l’unité catholique et qu’à l’époque moderne – quand les communications autour du globe sont instantanées – il serait une véritable stupidité que d’essayer de découper le monde en juridictions nationales ou régionales. Que cette tactique de réclamer une plus grande autonomie pour les conférences épiscopales réussisse ou pas dépendra probablement du pouvoir de persuasion des évêques les plus avisés, s’ils sont capables de convaincre ceux qui n’acceptent pas la communion aux divorcés remariés de ne pas s’égarer dans l’hétérodoxie doctrinale sous le prétexte de diversité culturelle.

Il y a également tout un foisonnement sauvage de propositions que les évêques débattent maintenant qu’ils se sont attaqué à la deuxième partie du Document de Travail (Instrumentum Laboris), qui a trait au « Discernement de la Vocation de la Famille ». Cette partie est un peu meilleure que l’analyse sociologique vaine de la partie 1, mais il est curieux comme cette « vocation » décrite ici parle si peu de la procréation et de l’éducation des enfants. En revanche, il y a pléthore d’efforts pénibles pour affirmer de différents types de « relations », incluant celles extérieures à un mariage traditionnel, qu’elles peuvent faire preuve d’éléments d’engagement stable et à vie.

Cela commence à tirer dans le sens de reconnaître également les unions homosexuelles et il sera intéressant de voir si les rapports des petits groupes sur cette partie, qui seront publiés dans quelques jours, prendront note de ces points cruciaux et les affronteront directement. Un langage délibérément vague, dans le but de donner une certaine valeur aux relations hétérosexuelles autres que le mariage chrétien ou le mariage naturel pourrait déboucher sur une fausse impression de taille, risquant par la suite d’être dénaturée pour pis encore.

Cela n’aide pas que les règles synodales actuelles obligent les évêques à coller au plus près de la rhétorique sybilline du Document de Travail parce que, ainsi que nous l’avons dit à de nombreuses reprises sur ce site, cela donne l’impression que l’Église « débat » vraiment de toutes sortes de vagues propositions. Ce qui débouche sur l’impression trompeuse que l’Église, si pas maintenant mais dans un synode ultérieur, pourrait les approuver. Dans le même temps, selon ce qu’on entend des curés de paroisse, des catholiques ordinaires croient souvent que Rome semble incapable de se faire une opinion et que par conséquent ils peuvent agir à leur guise.

Lundi, deux couples -un brésilien, l’autre de l’est de l’Inde – on parlé à la conférence de presse et ont donné un tour totalement différent à la discussion, d’une façon qui pourrait vraiment produire des résultats utiles. Ils n’ont pas beaucoup parlé de la doctrine dans les petits groupes de langue, ont-ils dit, mais chacun – les pères synodaux comme les laïcs – est soucieux de trouver des manières concrètes pour faire face aux difficultés actuelles du mariage et de la famille.

Une stratégie notoire est une préparation plus approfondie des fiancés par une période significative de catéchèse sur le mariage préalablement au mariage, poursuivie par une formation continue spirituelle et pratique après leur mariage. Ces efforts méritent notre attention car il sont à la fois fidèles à la foi et efficaces dans différentes partie du monde. En d’autres mots, ils accomplissent vraiment ce dont parlent les évêques, unir une saine doctrine et la pratique pastorale.

En même temps – du moins pour quelqu’un de l’extérieur – cela semble un lourd engagement pour le jeune couple moyen qui veut simplement se marier.

Mais c’est peut-être la recette à suivre pour redonner une santé mentale au mariage et à la famille, même parmi les catholiques, puisqu’on ne peut plus tenir pour acquis que la relation la plus fondamentale, celle d’un homme et d’une femme dans le mariage, est quelque chose qui va de soi et conduira à la naissance d’une progéniture, à son éducation appropriée et à un engagement à vie.

Illustration : « Les pharisiens questionnent Jésus » par J.J. Tissot, vers 1890

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/10/12/impressions-and-misimpressions/

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