Ce matin, dans la basilique Saint-Pierre de Rome, le pape a célébré une messe en l’honneur de saint Jean-Paul II dont on fête le centenaire. En effet, c’est 18 mai 1920, dans la petite ville polonaise de Wadowice, non loin de Cracovie, que naquit Karol Josef Wojtyla, celui que le collège des cardinaux devait élire successeur de saint Pierre le 16 octobre 1978, et que son deuxième successeur, le pape François, devait canoniser le 17 avril 2014. Impossible, le temps d’un bref éditorial, de donner une idée exhaustive de l’importance historique du pontificat et de la personne de Jean-Paul II. Tout de même, quelques indications pour rappeler comment en 1978, notre histoire a brusquement changé son cours.
J’ai toujours gardé en mémoire le récit de mon ami André Frossard, présent dans la délégation française à la cérémonie d’ouverture du pontificat. Tout le monde pleurait autour de lui : « Je ne sais si l’on a déjà vu des diplomates pleurer en service commandé, c’était un phénomène que la météorologie a rarement l’occasion d’observer. Je pleurais aussi, comme tout le monde, sans trop savoir pourquoi. J’avais le sentiment d’assister à un événement rare : la conjonction manifeste, et qui se laisse bien peu souvent prendre sur le fait, d’un dessein providentiel et d’un moment d’histoire humaine. » Est-il possible de faire comprendre la signification d’une telle scène, plus de quarante ans après, aux nouvelles générations ? Un sérieux effort de contextualisation s’impose. Le monde a tellement changé ! L’idée de ce qu’on appelait un rideau de fer, séparant l’Europe en deux, est-elle seulement pensable à ceux qui n’ont pas vécu les événements qui vont de l’avènement de Jean-Paul II à la chute du mur de Berlin ?
Un poète polonais de la grande génération romantique, Slowacki, avait prophétisé la venue d’un pape slave : « Il va balayer les nefs des églises et nettoyer leurs parvis. Et montrer Dieu dans la création du monde : clair comme le jour. » L’homme qui, en 1979, sur la place de la Victoire à Varsovie, devant 300 000 personnes, déclare : « Nul ne ne peut exclure le Christ de l’histoire de l’Homme, en quelque partie du globe », oui cet homme là a contribué à changer la face du monde. Cela ne veut pas dire que le cours futur de l’Église sera facile, que d’autres épreuves redoutables ne s’annonceront pas. Mais la preuve a été faite, que par l’étonnante force spirituelle d’un disciple du Christ, l’impossible s’est trouvé défié.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 mai 2020.