Le 26 avril 1986, en Ukraine, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire Lénine de Tchernobyl explosait à la suite d’une manœuvre hasardeuse effectuée pour… tester sa sécurité. C’était le début d’une série de réactions internes de plus en plus incontrôlables à l’intérieur du bâtiment qui allait provoquer une double contamination, avec la diffusion d’un nuage radioactif s’étendant à une large partie de l’Europe et une redoutable pollution des eaux du Dniepr en direction de Kiev. D’abord cachée à la population ukrainienne pendant plusieurs jours et aussi à Mikhaïl Gorbatchev à Moscou pendant 24 heures, l’ampleur de la catastrophe, révélée peu à peu au fil des semaines et des mois, a provoqué peu à peu un malaise et une révolte croissants dans l’URSS déjà déclinante. Malgré les dénégations et les mensonges officiels de certains apparatchiks, malgré la censure et les menaces du KGB, la terrible vérité n’a pas pu être occultée, en particulier quand des portées d’animaux gravement anormaux sont nées dans un kolkhoze voisin de la centrale sinistrée… Le carcan du système de gouvernement soviétique en a été irrémédiablement ébranlé.
Outre l’Ukraine alors de plus en plus réticente, à laquelle le « Centre » de Moscou avait imposé la construction mégalomane de cette centrale nucléaire à la puissance hypertrophiée – utilisant les RBMK, des modèles de réacteurs à tubes de force destinés initialement à fabriquer du plutonium militaire, et non pas de l’uranium civil – c’est aussi la République soviétique de Biélorussie, dont la partie Sud toute proche a été gravement contaminée par le nuage radioactif sorti de la centrale en feu, qui a décidé de marcher vers l’indépendance vis-à-vis de la Russie de l’époque.
Le 1er décembre 1991, par la voie d’un referendum qui frappera de stupeur les maîtres du Kremlin, tant Eltsine que Gorbatchev, la population de l’Ukraine se prononcera en faveur de l’indépendance par 90% des voix. Même dans les zones de l’Est russifié du Donbass, à Donetsk et à Louhansk, le pourcentage des voix demandant l’indépendance vis-à-vis de Moscou dépasse alors les 85 %… L’URSS de l’après-Tchernobyl a éclaté, comme celle d’après l’échec du coup d’Etat du mois d’août à Moscou. Les peuples qui la constituaient rêvent alors à un avenir plus sûr, plus prospère, plus écologique… L’heure n’est pas encore aux désillusions, ni à de nouvelles divisions… En 1991, on voulait respirer, pour un moment de tranquillité…