Il est impossible de substituer la croissance à l’austérité pour la simple raison que la croissance procède de l’austérité ; non de la mauvaise, bien sûr, mais de la bonne austérité, celle qui consiste à diminuer les prélèvements obligatoires. Elle n’en procède pas directement, mais indirectement, car la conséquence directe de la bonne austérité, c’est la création d’emplois qui, elle-même, génère la croissance. En effet c’est l’emploi (avec l’amélioration des techniques) qui crée la richesse, la production, le pouvoir d’achat et, par voie de conséquence, la croissance.
Il existe bien une corrélation entre la croissance du PIB et l’emploi mais nous raisonnons à l’envers en en concluant que la croissance est la cause et l’emploi son effet. Favoriser la croissance, c’est s’employer vainement à peser sur un effet (la croissance), plutôt que sur sa cause (l’emploi). C’est un contresens d’attendre l’emploi de la croissance, comme si cette dernière résultait d’une conjonction de facteurs modélisables en formules algébriques, et comme s’il suffisait de maîtriser ces facteurs (ce qu’on n’a jamais su faire) pour doper la croissance et par suite améliorer l’emploi.
La croissance, entendue pour ce qu’elle est, (c’est-à-dire augmentation réelle de la richesse produite) ne peut constituer un objectif, car elle n’est que la conséquence accessoire de l’emploi. Il est vrai que l’accroissement de richesse d’une entreprise peut aller de pair avec une réduction du nombre de ses emplois. Cependant l’accroissement de richesse d’une nation reste fonction aussi de l’augmentation du nombre de ses emplois : Il est possible de produire plus en travaillant mieux, mais on ne produit jamais plus en travaillant moins. Le temps de travail épargné pour accomplir une tâche peut être employé à d’autres tâches. Seul le travail est créateur de richesse.
Quant à la croissance entendue comme simple augmentation du PIB, gardons-nous d’en faire un objectif de politique économique !
D’une part parce que le PIB est un agrégat qui ne reflète pas la réalité de la production (il ignore la production bénévole, comme celle résultant des activités domestiques).
D’autre part parce que la croissance du PIB, loin de contribuer à réduire le chômage, peut au contraire l’aggraver. En effet la croissance du PIB résulte mécaniquement (et en France pour plus de la moitié) de l’augmentation des dépenses de l’État ; or c’est précisément l’excès de ces dépenses qui constitue la cause principale du chômage, parce qu’il assèche la demande et asphyxie l’offre. À un stade où l’hypertrophie de l’État génère la récession, le seul véritable intérêt du PIB réside dans l’information qu’il nous livre sur sa composition : le succès d’une politique économique, aujourd’hui ne se mesure pas à l’importance de la croissance du PIB, mais à l’importance de la part de croissance du PIB qui émane du secteur marchand, par rapport à celle du secteur non marchand. Souvenons-nous que seul le secteur privé est contributeur au budget de l’État et qu’il doit être ménagé ; non seulement pour répondre à l’exigence de justice qu’exprime le principe de subsidiarité, mais aussi pour que la modération des charges imposées au secteur privé lui permette de développer l’emploi. Lorsque pour 1 000 habitants il existe 90 emplois publics en France, contre 50 en Allemagne 1, il est permis de considérer que de nombreux emplois publics en France ne produisent aucun surcroît véritable de biens et de services (en dépit de leur poids dans le PIB), et qu’en outre ils nuisent au développement de l’emploi, à la création de richesse et aux facultés contributives du secteur privé, en raison de la quantité supplémentaire et inutile de prélèvements obligatoires qu’ils lui font supporter. Les employés de l’État et des collectivités publiques, en exigeant le maintien de leur nombre, ou de certains avantages exorbitants, se condamnent inexorablement à voir leur pouvoir d’achat diminuer dans le sillage de celui des contributeurs au budget de l’État.
Promouvoir la croissance, dans tous les cas, se révèle inapproprié.
Ce que les partisans d’un retour à une politique de croissance préconisent, en fait, c’est de renouer avec ces stratégies de relance artificielle de l’activité dans le secteur marchand, qui consistent à subventionner l’offre ou la demande (selon l’école dont ils se réclament), avec pour conséquence, encore, un alourdissement de la dette publique et, in fine, une augmentation des prélèvements obligatoires. N’est-il pas temps de s’y prendre autrement ?