Il y a de nombreuses raisons de lire la Divine Comédie de Dante, notamment le plaisir de rencontrer un pur génie imaginatif. Mais en fin de compte, la raison la plus importante est celle qu’il identifie dans une lettre à un mécène, Can Grande della Scala : « le sujet est l’homme selon ses mérites ou ses démérites dans l’exercice de son libre arbitre, et le fait qu’il mérite d’être récompensé ou puni par la justice. »
Ce choix devient difficile dans le cas de Lucifer. Vous pouvez vous emmêler les pinceaux en essayant de comprendre comment certains pécheurs méritent des punitions spécifiques dans l’enfer de Dante. Mais Satan chez Dante représente un bel exemple. Ce n’est pas le rebelle romantique de Milton dans Paradise Lost ou un tentateur intelligent comme Screwtape de C. S. Lewis. Il est l’être qui a – radicalement, purement, éternellement – rejeté Dieu et tout l’ordre de l’univers qu’Il a créé. Satan pense qu’il s’est engagé sur la voie de la libération totale de tout cela, mais il ne pourrait pas avoir plus tort.
Dante le montre dans une image inoubliable. Satan est pris dans la glace au fond de l’univers, au plus profond de l’enfer. Il bat des ailes en forme de chauve-souris en cherchant à se libérer. Mais le vent qu’elles créent ne fait que le figer davantage. C’est comme les vieilles « menottes chinoises » avec lesquelles nous jouions quand nous étions enfants. Vous mettez vos doigts dans les extrémités d’une sorte de tube, et plus vous essayez de les sortir, plus ils sont enserrés.
Pour les rebelles contre Dieu, il ne peut en être autrement. Satan fuit Dieu et son ordre cosmique, mais il n’y a nulle part où fuir. Il n’y a qu’un seul Dieu, un seul univers, une seule réalité. Rejetez cela et vous rejetez tout, y compris la source de votre propre être – et la liberté. Vous pouvez pousser de plus en plus fort pour être « libre » selon vos propres conditions, mais vous demandez ce qui est littéralement impossible – une liberté parfaite sans lien avec quoi que ce soit de réel. Et vous enfermer, de plus en plus, en vous-même.
Thomas More a écrit en épigraphe de son Utopie : « Le diable, esprit fier, ne peut pas supporter qu’on se moque de lui. » Voici de la moquerie, de l’autodérision, à une échelle gigantesque.
Tout cela peut sembler bien loin de notre quotidien. Mais pour un catholique en Amérique aujourd’hui, la liberté pose une question cruciale. La liberté est une des valeurs les plus importantes pour la plupart des Américains. Les fondateurs américains craignaient que la liberté ne dégénère en « licence ». Comme les grands penseurs anciens et médiévaux, ils savaient que la liberté pouvait s’autodétruire, sans vertu ni vérité.
La Congrégation pour l’Education vient de publier un document sur l’ « idéologie transgenre » ( » homme et femme Il les créa »), qui reconnaît comment ce mouvement idéologique a glissé dans une rupture radicale avec non seulement la biologie, mais aussi l’ordre cosmique, « dans cette conception des choses, la vision de l’identité sexuelle et de la famille deviennent soumises à la même » liquidité » et à la même » fluidité » qui caractérisent d’autres aspects de la culture postmoderne, souvent fondés uniquement sur un concept confus de liberté dans le domaine des sentiments et des désirs, ou de désirs momentanés provoqués par des impulsions émotionnelles et la volonté individuelle, plutôt que sur les vérités de l’existence.”
Quand j’ai entendu dire que ce document prônait aussi le « dialogue » – pour certains, un tapis magique qui nous éloignerait de la nécessité de dire oui ou non – j’ai pensé qu’il pourrait hésiter sur ce qui est essentiel. Étonnamment, il affirme que le dialogue signifie reconnaître que certaines personnes sont aux prises avec des émotions fortes et qu’elles ont besoin d’être respectées en tant qu’êtres humains, mais aussi qu’on leur présente des vérités fondamentales sur la sexualité.
On pourrait en dire beaucoup plus – et peut-être le fera-t-on bientôt. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi prépare un commentaire purement théologique sur les mêmes thèmes. Mais le document existant est un guide pour les établissements d’enseignement, et donc délibérément plus pratique que théorique.
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Notre ami Robbie George a également commenté la réaction prévisible de personnalités comme le P. James Martin, S.J., qui prétendent que la sociologie et la psychologie modernes font exploser la compréhension traditionnelle du genre. De telles revendications recyclent une vieille hérésie gnostique, dans laquelle une réalité intérieure, sans lien avec le corps physique, définit sa propre identité. Cela contredit non seulement la foi catholique, mais aussi la pensée juive, islamique et même une bonne part de la pensée séculière. Il n’est guère scientifique de remettre en cause le rôle de structures observables telles que les gènes masculins et féminins, qui existent dans chaque cellule du corps humain, sur la base de ce que quelqu’un dit qu’il « est ».
Le Dr Paul McHugh, ancien directeur du département de psychiatrie à Johns Hopkins, a interrogé des personnes qui ont subi une opération de changement de sexe, et qui ont constaté qu’elles n’étaient généralement pas plus heureuses qu’avant : « Au cœur du problème se trouve la confusion sur la nature des transgenres. « Le changement de sexe est biologiquement impossible. »
Saint Augustin résumait ainsi toute la tradition biblique : « Dieu éternel, qui êtes la lumière des esprits qui vous connaissent, la joie des cœurs qui vous aiment et la force des volontés qui vous servent, donnez-nous de vous connaître afin que nous vous aimions vraiment et que nous vous aimions afin que nous vous servions pleinement, que nous vous servions en parfaite liberté, en Jésus Christ notre Seigneur. (Prière pour connaître Dieu) »
La vérité réside là où le temporel et l’éternel, la liberté et l’ordre, et d’autres oppositions apparentes, se rencontrent et se mêlent. Le Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs est aussi le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Le Très-Haut naît un humble bébé humain dans une mangeoire. Le premier sera le dernier et le dernier sera le premier. Et vivre en harmonie avec l’ordre véritable du monde est la seule liberté possible.
Peu d’entre nous le voient aujourd’hui. Nos notions de liberté viennent d’amuseurs complaisants, de politiciens égocentriques, d’excentriques universitaires égocentriques et de médias autoréférentiels. Pourtant, malgré les célébrations de l’identité, de l’individualité, de la diversité, de l’unicité, le résultat n’est pas un tissu social et une liberté riches et harmonieux, mais un chaos et des conflits évidents en privé et en public, pour ceux qui ont des yeux pour voir.
17 juin 20019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/06/17/transgenderism-and-perfect-freedom/