par Jean-Philippe DELSOL
Au plus tard le 15 juin, plus de 500 000 foyers devront déclarer et payer l’I.S.F.
Créé en 1981 par idéologie, l’Impôt sur la Fortune continue d’empoisonner l’économie et la vie politique françaises. Depuis que Jacques Chirac s’est persuadé d’avoir perdu les élections de 1988 pour avoir supprimé l’IGF, ancêtre de l’ISF, en 1986, les gouvernements de droite ne veulent pas prendre le risque de remettre en cause ce qui apparaît comme un élément institutionnel du paysage fiscal français.
Pourtant cet impôt ne se justifie d’aucune manière sinon au travers d’un discours anti-riches. En violation d’un vieux principe de droit et d’équité, – non bis in idem – que les Latins avaient institué pour éviter que la même assiette fiscale soit taxée plus d’une fois, il frappe des patrimoines qui ont déjà supporté des droits de succession, le cas échéant, des droits d’enregistrement ou la TVA à l’achat, un impôt foncier pour les biens immobiliers…
Lorsqu’il pèse sur les actions ou les entreprises détenues par des personnes physiques, cet impôt oblige ses détenteurs à des contorsions juridiques, onéreuses et stupides, pour en diminuer le poids ou mieux en supprimer la charge : des dirigeants retraités conservent leur fonction sans autre motif que d’échapper à l’ISF, les familles s’obligent à conserver leurs titres en signant des pactes imaginés par le Ministre Dutreil au détriment des exigences de mobilité de la vie économique et financière, des sommes sont investies dans la terre ou dans les forêts pour la seule raison de réduire de ¾ la valeur imposable à l’ISF sans bénéficier d’une loi favorable à ces placements…
Certes, le président de la République a tenu ses promesses d’offrir aux contribuables une alternative à l’impôt en leur permettant d’imputer sur leur impôt sur la fortune 75% de leurs versements à des fondations reconnues d’utilité publique ou au capital de PME, dans la limite de 50 000 € par an. Cette mesure intelligente favorise la charité et les petites entreprises et c’est bien. Mais sa mise en œuvre est complexe et limitée.
Par ailleurs, le bouclier fiscal permet aux plus riches de limiter leur ISF, en même temps que leur impôt sur le revenu et leurs taxes foncières et d’habitation de l’habitation principale, à 50% de leur revenu imposable. Mais le paradoxe est que, sauf exception, seuls les « très riches » qui n’ont pas ou guère de revenus du travail peuvent en profiter.
Il eut sans doute mieux valu renoncer purement et simplement à cet impôt inutile comme l’ont fait ces dernières années de nombreux pays en constatant que cet impôt faisait fuir les entrepreneurs et les capitaux, alors que son rendement restait toujours limité. Sept pays européens ont supprimé leur impôt sur le capital depuis 10 ans, l’Espagne socialiste étant le dernier en date. Il ne reste plus que deux pays en Europe qui pratiquent l’impôt sur la fortune.
La fortune est d’ailleurs vite imposée en France puisque le seuil est de 770 000 €. Celui qui possède un appartement de 120 m² à Paris et une maison de campagne, peut déjà être taxé de fortuné à la française, assujetti à l’ISF. Et comme les plus riches ne sont guère confiants dans la pérennité du bouclier fiscal, instabilité politique oblige, ils continuent de fuir la France au détriment de celle-ci. Jusqu’à ces dernières années, un Français « fortuné » quittait la France chaque jour. Désormais, il y en a plus de deux par jour : 843 contribuables par an assujettis à l’ISF ont quitté la France en 2006 en emportant 2,8 milliards d’euros de capitaux qui auraient rapporté à la France.
L’ISF n’a qu’un rendement modeste, de l’ordre de 1% des recettes fiscales brutes de l’État, et son intérêt premier pour l’État est d’obliger les contribuables à déshabiller leur patrimoine devant lui. Mais est-ce une vertu pour l’État d’être voyeur ? C’est plutôt un vice capable d’entraver la dynamique sociale.
Il faut cesser de toujours vouloir bannir la propriété et punir les propriétaires. Tout au contraire, il faut réhabiliter la propriété en reconnaissant « le caractère naturel du droit à la propriété privée… Ce droit fondamental pour l’autonomie et le développement de la personne » comme le soulignait Jean Paul II dans Centesimus annus.
À cet égard, il serait sans doute plus courageux et sûrement préférable de supprimer l’ISF.
Jean-Philippe DELSOL