Trop souvent les émissions politiques me désolent, y compris celles qui mettent à contribution les meilleurs de nos spécialistes. Qu’est-ce qui passionne le plus nos politologues, sinon les jeux de ce que Raymond Barre appelait autrefois « le microcosme ». Bien sûr, il y a lieu de s’intéresser à la détermination de Dominique Strauss-Kahn. Quittera-t-il à temps le Fonds Monétaire International pour postuler d’abord aux primaires du Parti socialiste avant de s’opposer à Nicolas Sarkozy ? Mais réduire l’analyse politique aux manœuvres des uns et des autres, supputer les intentions, s’attarder sur l’exégèse d’une seule phrase d’Anne Sinclair afin de savoir si elle est bien la porte-parole de son mari, tout cela finit par m’insupporter. J’ai trop le sentiment que le fond de nos problèmes se trouve esquivé au profit de la comédie humaine.
Bien sûr, cette comédie reflète souvent le fond de l’âme humaine, de ses appétits, de ses rivalités. Les institutions peuvent changer, la psychologie ne change guère et on peut relire avec profit La Bruyère, La Rochefoucauld, et même Saint-Simon. On pourra toujours rééditer le chef d’œuvre de Balthazar Gracian intitulé « L’homme de cour ». Gracian, ce jésuite du dix-septième siècle peut décrire les mœurs de la société espagnole de son temps, il nous éclaire encore sur nos propres mœurs, celles de notre République. L’hypermoralisme contemporain n’y peut rien. La morale est d’ailleurs devenue le meilleur leurre pour tromper son monde et jouer à la vertu en toute hypocrisie.
Mais alors les vrais problèmes? Il arrive tout de même qu’ils soient évoqué. Ainsi, le même Dominique Strauss-Kahn, dans son entretien sur France 2 dimanche soir, a cité Jacques Julliard, éditorialiste de Marianne, à propos de la crise sociale que vit notre pays. Julliard, préfaçait d’ailleurs tout un dossier de son journal qui dénonçait le fait qu’un salarié français sur quatre gagne moins de 750 euros par mois et parfois beaucoup moins. Voilà un vrai sujet de discussions qui mériterait un large débat entre politiques et même entre politologues. Ce débat aura-t-il vraiment lieu, dominera-t-il la future campagne présidentielle ? On veut le croire. La réalité finira alors par s’imposer dans le débat, forçant la comédie humaine à s’ouvrir à la souffrance sociale.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 23 février 2011