Adesse regum Principem,
Qui nomen Israel regat,
Teneatque David regiam.
Exclamat amens nuntio :
« Successor instat, pellimur :
Satelles i, ferrum rape :
Perfunde cunas sanguine. »
Laudes Salvete, flores Martyrum,
Quos lucis ipso in limine
Christi insecutor sustulit,
Ceu turbo nascentes rosas !
Vos, prima Christi victima,
Grex immolatorum tener,
Aram ante ipsam simplices
Palma et coronis luditis.
Matines Quo proficit tantum nefas,
Quid crimen Herodem juvat ?
Unus tot inter funera
Impune Christus
Traduction française
Qu’est arrivé le Roi des rois,
Qui doit gouverner Israël,
Tenir le sceptre de David.
La tête perdue, il s’écrie :
« Un successeur est là, je suis chassé :
Gardes ! Allez ! Tirez le fer :
Inondez les berceaux de sang. »
Laudes Salut à vous, fleurs des Martyrs,
Qu’au seuil même de votre vie
Faucha l’ennemi du Christ, comme
L’orage des roses à peine écloses.
Premières victimes du Christ,
Troupeau de jeunes immolés,
Devant l’autel, en toute innocence,
Palme et couronnes sont jeux pour vous.
Matines À quoi sert un tel forfait ?
Que gagne Hérode à ce crime ?
Parmi tant de meurtres, seul
Le Christ échappe sans dommage.
C’est Prudence que nous retrouvons. Riche de 52 strophes (208 vers), son hymne de l’Épiphanie, dans le Cathemerinon, fournit ample matière aux deux hymnes de notre fête, matines (3 strophes), laudes (2 strophes). Comment ne pas les conjoindre ?
Prudence est bien servi : il dispose d’un récit et d’une scène d’horreur. Le récit est celui d’Hérode affolé par les Mages : le roi des Juifs est là (adesse), c’est le vrai, il tient sa royauté de David et vient gouverner Israël ! Le vieux tyran en perd la tête. On l’entend : A moi ! Je suis chassé ! Les ordres pleuvent, une syllabe, deux, trois, i, rape, perfunde, et annoncent une scène de carnage. Elle occupe quatre strophes d’un réalisme typique de Prudence et son époque, avec des traits qui restent : le glaive est plus large que la gorge.
Sagement le Bréviaire évite ce barbarum spectaculum. Et à laudes la strophe qui reprend est d’une grâce apaisée. Salut, fleurs des Martyrs, roses naissantes fauchées par l’orage. La strophe suivante est plus gracieuse encore. Ne commettons pas d’erreur sur prima Christi victima. Le Christ ne fait pas des Innocents des victimes, mais les Innocents sont les premières victimes offertes au Christ. Le mot victima appartient en latin au vocabulaire religieux : (animal) offert en sacrifice. Mais la scène d’horreur est déjà loin : les voici, dans leur innocence (simplices), qui jouent au pied de l’autel avec les attributs de leur martyre, comme ont pu le faire tant d’enfants de chœur moins innocents.
La dernière strophe nous ramène aux matines. C’est un peu la morale de l’histoire. Tant de férocité pour rien. Le Christ seul échappe. Il est emporté (tollitur), déjà sur la route de l’Égypte. Et la suite de l’hymne de Prudence se lance dans une longue comparaison avec l’histoire de Moïse échappant au Pharaon. Nous retrouverons le vieux poète à Bethléem, avec les mages, manifestement inspiré par la fête de l’Épiphanie.