Hospitalité monastique, plus que millénaire. - France Catholique
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Hospitalité monastique, plus que millénaire.

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Enseigner sur le monachisme et les règles des Saints Basile et Benoît est un vrai défi. Selon bien des gens, avant même de faire un effort, en quoi est-ce pertinent et pourquoi s’intéresser à des règles archaïques ou à un idéal monastique à une époque où on ne porte guère attention à la vie religieuse — à la religion en général ?

Mais après plus de deux décennies passées à enseigner le monachisme, je persiste à soutenir que les règles établies par les Saints Basile et Benoît n’échappent jamais aux étudiants en raison de leurs simplicité, profondeur, authenticité. Et elles portent également des messages, tels que la valeur monastique de l’hospitalité.

La Règle de St. Benoît est bien explicite: «que tous hôtes soient accueillis comme le Christ.» Et soyez ouverts, prêts à découvrir, surpris, comment vos hôtes vous révèleront le visage du Christ. Simple logique: les moines ont été accueillis comme des hôtes par le Seigneur.. Ils sont donc appelés à offrir la même hospitalité aux visiteurs et voyageurs.

«Que le Père Abbé verse l’eau sur les mains des hôtes, et qu’ensemble le Père Abbé et la communauté lavent les pieds de leurs hôtes,» à l’exemple du Christ lors du Dernier Repas. La Règle, cependant, assure l’équilibre entre l’hospitalité intégrale (y-compris inflexions à la règle et, en certains cas, rupture du jeûne) sans permettre aux hôtes de perturber la communauté.

« A la porte du monastère, on placera un sage vieillard qui sache recevoir et rapporter un message, et dont la maturité le préserve d’être désœuvré.
Ce portier devra avoir son logement à côté de la porte, afin que ceux qui arrivent trouvent toujours présent quelqu’un pour recevoir réponse. » (Règle de St. Benoît, 66)

Selon l’Asketikon (Ascétisme) de St. Basile, le portier — en plus de scruter — interrogeait et formait les candidats éventuels. Il en résultait en pratique, malgré la règle prescrivant large hospitalité et générosité envers les étrangers, une sélection assurant la compréhension et le respect des règles à suivre pour assurer le bien de la communauté.

On ne peut lire ces préceptes à présent sans songer à la crise actuelle de l’immigration. Des personnalités comme St. Thomas d’Aquin ont donné leur part d’éclairage sur ces questions. Dans la Summa Theologiae, par exemple, il pose la question: Les principes juridiques concernant les étrangers sont-ils convenablement traités? Et donne sa réponse: «Les rapports avec les étrangers ont deux aspects, l’un, pacifique, et l’autre, hostile, et en guidant les deux genres de relations la Loi contient les principes appropriés.» (ST Ia IIae, Q 105, a 3) .

Selon l’idée exprimée par St. Thomas une règle ne convient pas nécessairement, il faut du discernement et une analyse au cas par cas pour accueillir les étrangers, car il y a des différences largement significatives selon les circonstances. Pour St. Thomas les nations ont le droit de contrôler leurs frontières et d’estimer si les entrants seraient bénéfiques et contribueraient au bien commun. Ces principes font partie de ses propositions pour une politique « pacifique » envers les immigrants.

Tous les immigrants devraient respecter les lois, et le pays d’accueil a le devoir d’appliquer — et de leur faire respecter — les lois en vigueur.
Pour St. Thomas l’unité nationale et le bien commun vont de pair, selon le principe qu’un étranger, ou voyageur, ne doit être ni inquiété ni maltraité. Une immigration incontrôlée est un danger mortel pour le bien commun.

Son argumentation sur l’intégration des étrangers est pertinente et importante. S.S. François, contrairement à certaines idées répandues, s’est exprimé sur le droit à la prudence des nations d’accueil envers les immigrants et réfugiés et, comme il l’a dit lors d’un entretien avec le journal espagnol El País, «Le problème est l’intégration. Sans intégration, les ghettos s’épanouissent.» Selon S.S. François, le but final de l’immigration est l’intégration dans la culture nouvellement adoptée et dans le pays d’adoption — pas de ghettos. Les immigrants ont aussi le devoir de devenir des éléments du tissu de la société et de contribuer au bien-être de tous, tels les citoyens « de souche ».

À une époque où le sujet de l’immigration est âprement débattu on trouve chez St. Basile, St. Benoît et St. Thomas, par leur sagesse, d’excellentes leçons sur l’hospitalité envers les étrangers. Ils accueillaient l’étranger, le voyageur, généreusement, de grand cœur, selon les principes bibliques de l’hospitalité. Ils croyaient cependant à la sélection des gens pénétrant dans le monastère ou dans le pays afin de préserver le bien commun sans menace pour la vie de la communauté. Les monastères moyennageux étaient entourés de hautes murailles pour leur protection, mais avaient également de grandes portes également imposantes, généreusement ouvertes.

La sagesse, au cœur généreux des médiévistes, couvre les millénaristes, tout comme mes étudiants, qui lisent et apprécient la pensée monastique. Nous autres pourrions bien en bénéficier également.

26 mars 2017

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/03/26/of-millennials-and-monastic-hospitality/