Outre-Atlantique, de nombreux hommages ont paru sur le site de « The Catholic Thing » dès l’annonce du décès du pape émérite. En raison de la longueur de ces textes, nous n’en donnons ici que quelques extraits.
Robert Royal, rédacteur en chef du site, titre : « Benedictus qui venit in nomine Domini », béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Il remarque :
En raison de son âge avancé et des notifications du Vatican, nous nous attendions à ce que Benoît XVI soit proche de son entrée dans l’éternité. Mais chaque fois que quelqu’un meurt – et d’autant plus quand c’est un professeur, un érudit, un pasteur et pape très aimé – c’est toujours un choc quand vient le jour fatidique. Cela change les choses pour toujours.
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La pensée de Ratzinger avançait calmement, tranquillement, invariablement vers une profondeur qui n’était pas fondamentalement changée par les bouleversements sociaux. Sa grande stabilité à elle seule était un point de référence apprécié qui manquera cruellement.
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J’ai toujours pensé que prendre le nom de Benoît […] était le signe de beaucoup de choses en lesquelles il a cru toute sa vie. Benoît, Benedictus, c’est à dire « béni », pour être né quand et où il est né, mais également pour toute sa vie. Benedictus aussi dans le sens d’une continuité avec Benoît XV qui près d’un siècle plus tôt a dû faire face à la Première Guerre Mondiale et à ses répercussions planétaires. Mais finalement Benedictus parce que, en dépit d’un immense savoir, il était juste un simple chrétien dans la ligne du Christ Lui-même.
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David G. Bonagura Jr., professeur au séminaire Saint-Joseph de New-York, voit en lui un théologien hors pair. Il déclare :
Beaucoup voudront le déclarer « Docteur de l’Eglise », c’est à dire un saint professeur qui a donné une contribution unique à notre compréhension de Dieu. Ratzinger a illuminé de nouveaux sentiers dans les champs de la révélation, de la foi, de la christologie, de la liturgie. Il les a unis par un seul fil conducteur : le Dieu qui s’est révélé est le Verbe, le Logos, qui a fait Sa demeure parmi nous afin que nous puissions avoir la vie en Lui et l’adorer en esprit et en vérité. Ratzinger peut à juste titre être appelé […] « le Docteur du Logos ».
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Avec une grande franchise concernant les difficultés de l’Eglise, Ratzinger a redonné du souffle aux fidèles troublés pas une Eglise semblant s’effondrer.
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Ce qui rendait Ratzinger si unique était sa capacité à pénétrer au cœur des problèmes de la Modernité et de présenter, de façon convaincante, Dieu comme étant la réponse à nos maux actuels.
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Tout au long de l’histoire du salut, Dieu a suscité des prophètes, des enseignants et des saints pour guider Son peuple à travers les crises qui se présentaient. Joseph Ratzinger/ Benoît XVI était tout cela pour une Eglise blessée cherchant son chemin au milieu des assauts des idéologies anti-Dieu des XXe et XXIe siècles.
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Anthony Esolen, conférencier et écrivain, qui voit en Benoît XVI le plus grand érudit catholique qui lui soit contemporain, s’attache à rectifier l’image négative créée par les médias, et il en profite pour réhabiliter les papes précédents. Il déclare :
Je remercie Dieu pour la vie et l’oeuvre de Joseph Ratzinger, pape Benoît XVI, le plus grand érudit catholique que j’ai connu, un homme profondément instruit non seulement en théologie et philosophie mais également en arts, en lettres et en histoire de l’humanité. Le véritable théologien est celui qui prie, et le pape Benoît était un homme de constante prière, qui faisait ce qu’il pouvait pour que les membres de son troupeau soient plus enclins à prier – en aient l’opportunité et soient encouragés à entrer dans le cœur de la prière.
Et de défendre le discours si controversé de Ratisbonne :
Benoît réalisait alors une invitation, un plaidoyer. Et chaque fois qu’il était sollicité pour défendre la doctrine catholique, il le faisait parce qu’il comprenait qu’agir autrement serait claquer une porte au visage de ceux qui cherchent la vérité. Il n’était pas « le rottweiler de Dieu ».
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C’est peut-être une marque de l’origine divine de l’Eglise que presque tout ce qui a été dit des derniers papes a été l’exact opposé de la vérité. Paul VI n’était pas un conservateur moral borné mais un libéral plutôt timide qui, la crise venue, n’a pas voulu trahir la vérité. Jean-Paul II n’était pas un despote mais un homme chaleureux et indulgent, ce dont des hommes d’église pervertis ont profité, tout en le calomniant comme le feraient des enfants gâtés.
Benoît n’était pas revêche mais éminemment charitable envers ses opposants, et comme Thomas d’Aquin, il aurait présenté leur cause bien mieux qu’ils n’auraient su le faire, bien qu’ils n’aient jamais pris le risque d’engager avec lui un vrai débat intellectuel. Je crois qu’ils savaient qu’il valait mieux ne pas essayer.
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William Edmund Fahey a aimé que Benoît XVI soit un homme digne de ce nom. Il écrit :
Je ne suis ni un historien de la papauté ni un théologien. J’attends de lire leurs contributions. Pourtant j’admire et je vénèrerai son souvenir pour une simple raison : il était un homme.
Et d’évoquer ensuite le courage qu’il a fallu à un homme aimant la tranquilité des salles d’études pour endosser toutes les responsabilités qui incombent à un pape, parce que, étant un homme digne de ce nom, il n’allait pas se dérober à son devoir. S’il était élu pape, c’est que Dieu le voulait là.
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Brad Miner, à la tête de « The Catholic Thing », regrette la démission de Benoît XVI, qu’il juge avoir été préjudiciable à l’Eglise. « Il représentait la continuité et la compétence. » Mais il conclut : « son maître lui a dit : bravo bon et fidèle serviteur ; tu as été fidèle en peu de choses, je t’en confierai de plus grandes, entre dans la joie de ton maître » (Matthieu 25:21)
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Le père Gerald E. Murray, spécialiste du droit canon, déclare :
Le pontificat de presque huit années de Benoît XVI a été fondamental à plusieurs titres. Il était un successeur naturel pour son ami proche le pape Jean-Paul II. Il a répondu aux attentes qu’on mettait en lui : promouvoir et faire progresser les efforts de Jean-Paul II pour revitaliser et renforcer l’Eglise, qui avait été meurtrie par des tentatives sournoises de transformer le concile Vatican II en un projet visant à créer une Brave Nouvelle Eglise ou tout serait permis. Benoît a soutenu l’idée de « l’herméneutique de la continuité » : Vatican II devait être compris et mis en pratique en complète harmonie avec le reste de l’histoire et de l’enseignement de l’Eglise.
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Michael Pakaluk rejoint cette analyse sur la position de Benoît XVI à propos de Vatican II et appelle à relire tout ce qu’il a écrit et dit, titrant : « avons-nous cessé d’écouter ? » Benoît XVI rappelait que nombre de conciles ont été suivis de crises de longue durée et que c’est seulement à très long terme que l’on en découvre la fécondité et même la nécessité.