Demain auront lieu à Saint-Sulpice, à Paris, les obsèques religieuses d’Albert Jacquard. Je suis assez touché, pour ma part, que la prière de l’Église accompagne cet homme bon et juste, qui voulut si souvent servir des causes qui résonnaient avec l’esprit des Béatitudes. J’en parle avec une certaine liberté, parce que sur beaucoup de points j’étais en désaccord avec Albert Jacquard. Pour donner un exemple, son appartenance au comité d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité ne pouvait recevoir mon accord, le droit à l’euthanasie constituant pour moi un danger signalé à l’égard de l’intégrité de la vie humaine. Mais sur ce sujet comme sur bien d’autres, il suivait la pente de sa sensibilité, persuadé qu’il servait l’homme. Son pacifisme aussi provoquait plus que mes réserves, d’autant qu’il était instrumentalisé parfois par des organismes qui ne partageaient pas ses illusions généreuses.
Mais quelles que fussent ses illusions, sa générosité était toujours active sur tous les terrains où il pensait pouvoir aider les plus démunis d’entre nous. Ce n’est pas pour rien qu’on le vit si souvent aux côtés de l’abbé Pierre pour soutenir les mal-logés. Pendant des décennies, il fut au rendez-vous de tous les rassemblements, dès lors que son grand cœur entendait l’appel de la détresse. Aussi lui ai-je toujours accordé un immense respect, d’autant qu’Albert Jacquard, à l’opposé de certains caractères ayant épousé des militances extrêmes, fut toujours le contraire d’un être de ressentiment. Il était fondamentalement bienveillant. Personnellement, je garderai le souvenir de nos rencontres. Il connaissait mes convictions et mes propres engagements parfois à l’opposé des siens, mais il tenait toujours à me saluer de la façon la plus courtoise.
Je n’oublierai jamais son visage, marqué par un accident de voiture, alors qu’il avait seulement neuf ans et y avait perdu son jeune frère et ses grands-parents. L’épreuve lui avait appris, pour la vie, notre vulnérabilité et l’ardente obligation de la fraternité.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 18 septembre 2013.
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