Chers amis, nous fêtons aujourd’hui la belle fête de la Toussaint, nous sommes nombreux à être réunis. Beaucoup parmi vous viennent prier pour les morts, c’est une démarche respectable.
Cependant, le jour normal pour accomplir cette démarche serait plutôt le 2 novembre, 19h ici même, jour de la fête des morts.
La Toussaint, chacun comprend qu’il s’agit de fêter tous les saints, tous les amis de Dieu, qui sont vivants et non pas morts.
Pas les amis de Dieu passagers ou occasionnels, “Seigneur je serais plutôt de ton côté…”, mais ceux qui ont misé sur ce rapprochement une partie de leur vie.
L’idée aujourd’hui serait donc la suivante : qu’est-ce que c’est un saint ? Que faut-il faire, ou ne pas faire pour le devenir ?
Je voudrais prendre un exemple dans la vie ordinaire, car il existe aussi une sorte de sainteté laïque. Vous comprendrez tout de suite où je veux en venir. C’est la différence entre Neil Armstrong et Lance Armstrong.
Le premier a vécu 50 ans avant le second. Neil, c’est l’homme qui, le premier, a mis le pied sur la lune, le 21 juillet 1969. Le second c’est l’escroc à pédale que vous savez, hélas notre contemporain.
Neil Armstrong était un scientifique compétent. C’était aussi un homme droit, qui ne se serait pas permis d’appuyer sur la touche d’à côté. Par contre, l’autre Armstrong était un virtuose du trucage, la tromperie industrialisée, voulant en même temps apparaître comme un héros : un très mauvais exemple pour la sainteté.
Il me semble en effet que pour Neil Armstrong et beaucoup de savants, la pratique de la science est une pratique rigoureuse. La science demande des qualités intellectuelles, mais elle demande aussi beaucoup d’abnégation, c’est-à-dire d’humilité.
Evidemment, pour Neil Armstrong il s’agit d’une sorte de sainteté horizontale, qui n’est pas tout à fait la vraie sainteté. Cependant, c’est une bonne préparation pour déboucher sur les chemins de Dieu.
Parvenus à ce point de notre réflexion, je voudrais citer une parole de Jésus, lors de la messe de vendredi dernier, qui m’a beaucoup frappée. Devant des pharisiens pratiquant le mal, Jésus leur reproche une certaine intelligence tordue. Il leur crie : Esprits faux. Je pensais à ce fameux proverbe par lequel le poisson pourrit par la tête.
Autrement dit : si la sainteté demande des qualités morales, elle demande aussi une droiture de l’esprit. Hélas, cette valeur semble être de plus en plus oubliée, bafouée même, dans ce bas monde où nous sommes.
Re-hélas, cela existait déjà chez les Grecs. Ils avaient une catégorie de philosophes spécialisés dans les raisonnements tordus, on les appelait des sophistes. Ils ont fait des petits à notre époque qui sont assez gros.
En effet, les raisonnements fallacieux, cela ne manque pas au 21ème siècle.
On dit aussi des raisonnements spécieux, qui n’ont qu’une apparence de vérité. On parle encore de paralogisme, à côté de la logique. Jésus lui accusait un certain nombre de gens d’être des esprits faux.
Donc la sainteté demande, instamment, une certaine rigueur morale et intellectuelle, une grande loyauté.
Pour terminer, prenons un exemple historique : Kateri Tekakwhita qui vient d’être déclarée sainte par l’Eglise universelle. Cette personne a vécu au 16ème siècle au Canada. Elle faisait partie de la triste tribu des Iroquois, des gens sanguinaires et cruels. Ce sont eux qui ont torturé et tué les Pères Jésuites de Bréboeuf et Isaac Jogues. Ils vivaient près du territoire des Grands Lacs, qui se trouve actuellement pas très loin de New York. Kateri Tekakwhita a eu le grand bonheur de découvrir le message d’amour de Jésus, beaucoup plus séduisant que l’attirance de la cruauté chez les Peaux Rouges, ses frères.
Venons-en à la conclusion. Il paraîtrait que les Peaux Rouges Iroquois étaient anthropophages. Ce qui est surprenant, et peut-être admirable, c’est la raison pour laquelle ils pratiquaient cette anomalie. A la fois ils torturaient les blancs, les prêtres, les Jésuites, le plus cruellement possible, à la fois ils admiraient leur courage dans les épreuves. Et ils pensaient qu’en se nourrissant de leur cœur, ils pourraient acquérir les mêmes qualités.
C’est aussi ce qui nous arrive à la messe puisque, d’une façon non sanglante, nous consommons le corps du Christ.
AMEN
Abbé Pierre Guéroult
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