L’actuelle réforme du collège élaborée sous l’autorité de Najat Vallaud-Belkacem provoque de vives réactions auxquelles il nous est impossible de ne pas nous associer, car la transmission de la culture est au cœur de notre existence sociale. Elle est le vecteur de la formation de l’esprit et de la sensibilité. Ce qu’il y a de plus précieux dans nos biens spirituels est en cause dans l’institution scolaire, et son dérèglement constitue pour nous une des menaces les plus redoutables. Ajoutons qu’il y a, depuis l’origine même du christianisme, une très intime connivence entre l’héritage des humanités gréco-latines et la pensée théologique. L’atteinte à cet héritage n’est pas sans conséquences pour l’expression de la foi. Dans ses dernières années, le cardinal Jean-Marie Lustiger marquait sa très vive inquiétude à l’égard d’une évolution dont il mesurait les conséquences ruineuses.
La réforme envisagée s’inscrit dans un travail de déconstruction de l’enseignement qui ne date pas d’hier, malheureusement, mais elle le porte à une sorte d’achèvement, par le sabordement définitif de ce qui constituait la culture générale (abrogation du grec et du latin), et la manipulation idéologique de l’histoire. Le roman national est sacrifié, avec ses figures dominantes. La chrétienté médiévale devient matière à option. Tout comme les Lumières d’ailleurs, ce qui relève d’un étrange paradoxe. Lesdites Lumières sont sans cesse exaltées dans la doxa contemporaine, mais il est vrai qu’elles le sont à titre de référence anti-religieuse. Étudier vraiment le contenu intellectuel de notre XVIIIe siècle fait entrer dans une complexité rebelle aux simplifications et aux slogans. Les prendre au sérieux, c’est aussi les restituer à toute la généalogie qui les a précédées et aux réactions significatives qu’elles ont suscitées, notamment avec le romantisme. Mais c’est précisément cela qui est récusé et qui faisait tout le sel de l’humanisme littéraire.
Faut-il rappeler également quelle importance accordait à cet héritage le saint pape Jean-Paul II, qui dans un texte très personnel intitulé Mémoire et identité (Flammarion, 2005) expliquait tout son engagement personnel à partir de ce qu’il avait reçu dans la Pologne renaissante au lendemain de la Première Guerre mondiale : « L’Église conserve en elle la mémoire de l’histoire des hommes dès le commencement : la mémoire de sa création, de sa vocation, de son élévation et de sa chute. » L’histoire sainte est intimement solidaire de l’histoire humaine et du sillon lumineux tracé par le génie de l’esprit.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Le rite et l’homme, Religion naturelle et liturgie chrétienne
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- CE QUE DIT LE FER À REPASSER