Histoire d'un silence - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Histoire d’un silence

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Si la marque du bon journaliste c’est d’avoir été là au moment où les faits se produisent, alors Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef au quotidien La Croix, a fait fort… Dans l’affaire du prêtre pédophile de Lyon — celui qui sévissait dans les années 1970 à 1991 à Sainte-Foy-lès-Lyon, et que certaines de ses anciennes victimes dénoncent enfin, des dizaines d’années après les faits, en mettant en cause le cardinal Barbarin pour non-dénonciation de crime — elle était dans sa troupe de scouts ! Mais elle était alors une petite fille, et il ne lui reste que la honte de n’avoir rien compris de ce qui arrivait à certains petits garçons, parfois les amis de ses frères, dont le prêtre prédateur faisait ses victimes…

Aussi se considère-t-elle comme personnellement salie par cette histoire sordide et se reproche-t-elle son propre silence qui fut celui des familles et des victimes elles-mêmes, de toute une paroisse, du diocèse, de toute l’Église… On pourrait généraliser à toute la société de l’époque. à la lumière des événements médiatiques et juridiques récents, elle a décidé de revenir dans sa ville d’origine et d’interroger des victimes et des témoins, pour essayer de comprendre ce silence qui nous paraît désormais insoutenable à propos de l’impunité d’un pédophile dont tout le monde aurait dû dénoncer le crime, s’il y avait une justice.

En 200 pages, elle dresse un portrait sans concession d’un milieu ecclésial déstabilisé par Mai 68 et où le prêtre en apparence le plus sûr de sa vocation dissimule un desaxé sexuel qui impose à certains scouts (peut-être une centaine en 20 ans ?) des attouchements et des viols.

Personne n’a été à la hauteur dans cette affaire. Ni les parents, ni les confrères prêtres, ni surtout les arche­vêques succes­sifs qui n’ont pas pris la mesure du problème et qui, au nom d’une paternité spirituelle et d’une miséricorde extensive à l’égard de leurs prêtres, semblent avoir passé les victimes enfantines par pertes et profits, comme cela s’était sans doute plus ou moins toujours fait. On ne peut pas oublier que saint Jean-Paul II lui-même, à Rome, a laissé mourir en paix le monstrueux père Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ… S’il est vrai que le père Preynat n’a jamais rechuté depuis 1991, cela le place cependant dans une catégorie à part.

Ce livre est avant tout un témoignage personnel. Il est sensible, équilibré, prend le parti des victimes si longtemps murées dans leur silence, ce dont il faut lui être reconnaissant… Cependant, Isabelle de Gaulmyn n’a rencontré celles-ci — qui ont fondé l’association et le site Internet La Parole libérée — qu’en février 2016. C’est dire si sa prise de conscience complète de ce désastre moral est récente.

Par ailleurs, même si elle aborde la question, ce n’est pas son objet de montrer à quel point chacun est dépendant des évolutions de son époque et de son milieu et combien il est difficile, surtout si on est un haut responsable, d’être un dissident perspicace, un résistant courageux, voire un prophète quand une grave injustice est commise. Ce n’est pas inutile, mais c’est relativement facile aujourd’hui de « faire la peau » au père Preynat qui, a priori, devrait maintenant rendre des comptes à la justice de son pays même si se posent de délicates questions juridiques quant à la prescription. Celle-ci a déjà été allongée dans ces matières pénales. Faut-il rendre le crime de pédophilie imprescriptible comme les « crimes contre l’humanité » ?

Isabelle de Gaulmyn fait le constat moral qu’il ne peut y avoir pardon sans justice. C’est bien dit. Mais là aussi c’est une prise de conscience récente. Pourquoi ne devrait-elle s’appliquer qu’aux crimes sexuels ? Il y a dans l’Église, comme dans toutes les institutions, la possibilité de complots, d’escroqueries, de crimes qui blessent des vies de manière parfois irrémédiable et font des victimes qui ne savent ou ne peuvent protester dans l’immédiat, voire jamais. Qui aura le courage de briser certains silences qui entourent des faits tenus cachés, parfois de longues années après ? Mais cela est-il toujours souhaitable ? Bien malin qui saura le dire en avance sur son temps et contre son milieu. ■

Frédéric AIMARD

http://www.leprogres.fr/rhone/2016/09/06/pedophilie-le-silence-collectif-dans-l-eglise-au-coeur-d-un-livre

Pédophilie : l’Eglise sous le scalpel