Pour l’Église catholique, l’année 2013 aura été marquée par un événement imprévu, avec la renonciation de Benoît XVI et l’élection de François, le pape venu de l’autre monde. Ce que Jean-Paul II n’avait jamais pu envisager, du fait de sa conception héroïque de la charge pétrinienne, son successeur l’a accompli avec autant de gravité et de conscience. Il lui paraissait que ses forces étaient désormais inégales à cette même charge et qu’il se devait de transmettre à son successeur la tâche de mener l’Église vers une nouvelle étape de son histoire. Cela a donné lieu à de multiples spéculations autour du thème d’une sorte de mutation de l’autorité du successeur de Pierre. Comme si celle-ci devait changer de nature, en s’alignant sur les institutions civiles. Il y avait un élément de vérité dans cette analyse, puisque la papauté s’est toujours adaptée ou réformée pour répondre mieux à sa vocation, en tenant compte de son insertion dans les réalités nouvelles. Mais cette vocation demeurait identique depuis les origines, répondant aux normes qu’un Ignace d’Antioche et un Irénée de Lyon avaient indiquées à la naissance de l’Église.
Le style propre à François, loin de contredire l’esprit de sa charge, n’a fait que le confirmer. La réforme de la Curie, telle qu’elle est envisagée, n’aboutira nullement à l’effacement de l’évêque de Rome, mais, bien au contraire, permettra une meilleure adéquation de l’instrument à sa finalité qui est de mieux servir le successeur de Pierre. Ceux qui pensaient que le pape présiderait à l’effacement de l’institution se sont trompés sur toute la ligne. François assume sa charge, sans complexes inutiles et sans faiblesses. On s’en aperçoit notamment avec la récente canonisation du bienheureux Pierre Favre, compagnon d’Ignace de Loyola. C’est de son propre mouvement qu’il a décidé, sans attendre de miracle de confirmation, de le placer sur les autels. Il s’agit là d’une prérogative pétrinienne qui participe du charisme de l’infaillibilité.
On s’est aperçu aussi que ce pape pasteur n’avait nulle peur d’affirmer son autorité doctrinale, en écartant par exemple toute perspective d’ordination sacerdotale des femmes. Il a plusieurs fois insisté sur l’authenticité de la mission de l’Église qui ne saurait être ramenée à celle d’une ONG. Son exigence spirituelle est extrême, elle s’inspire souvent de la tradition ignatienne que le père Bergoglio a intériorisée depuis ses jeunes années. Rarement, un pape n’aura évoqué si souvent le combat à mener contre les forces démoniaques. Dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, il cite même Georges Bernanos pour inciter les chrétiens à ne pas se laisser posséder par la tiédeur, cette tristesse douceâtre qui envahit les cœurs « comme le plus précieux des élixirs du démon ». Nous avons un pape !