En 1965, la Cour Suprême des Etats-Unis, dans l’affaire Griswold contre le Connecticut, a condamné comme inconstitutionnelle une loi de 1879 du Connecticut qui proscrivait l’usage de la contraception.
Bien que les spécialistes du droit constitutionnel discutent souvent le cas en terme de logique, de tenants et d’aboutissants, ils le font rarement en gardant un oeil sur le langage juridique tenu par la Cour, discours qui viole la Constitution. Pour cette raison , ces spécialistes, tout comme leurs étudiants ou leurs lecteurs, manquent souvent le raisonnement sous-jacent de la décision, qui pourrait faire la lumière sur les différents juridiques contemporains dans le même domaine.
Prenez, par exemple, l’affaire que que la Cour Suprême a accepté d’entendre le 25 mars, Sebellius contre Hobby Lobby Stores, Inc. Cette affaire implique de savoir si une entreprise familiale à but lucratif peut être contrainte par le gouvernement fédéral à payer pour les médicaments et dispositifs abortifs de ses employés alors que les croyances religieuses des propriétaires exigent qu’ils ne coopèrent en aucune manière à la suppression de la vie naissante, quel que soit le stade de son développement. (Bien que ce ne soit pas techniquement un cas de contraception, car la famille Green ne s’oppose qu’aux abortifs et non aux contraceptifs, l’arrêt Griswold s’applique car le gouvernement, dans sa réponse, ne fait pas la distinction.)
Parce que l’Affordable Care Act de 2010 (ACA) habilite le Secrétaire à la Santé et aux Services Sociaux (HHS) à édicter des ordonnances, la « loi » dont Hobby Lobby affirme qu’elle viole sa liberté religieuse ne dispose pas d’un statut réel de loi car elle ne résulte pas des délibérations réfléchies et prudentes d’un corps législatif élu par le peuple mais qu’elle émane du pouvoir décisionnel du chef non élu d’un organisme administratif. C’est pourquoi, si quelqu’un fait des recherches sur l’ACA et son Reconciliation Act, il découvrira que le terme « contraception » apparaît quatre fois, le terme « contraceptif » une fois, le terme « contrôle des naissances » jamais, mais « le Secrétaire doit » 1800 fois, sans aucune référence au deux premiers termes concernant la « loi » que conteste Hobby Lobby.
Pour mieux comprendre l’impact de cette loi sur la liberté religieuse, imaginez que la National Rifle Association, plutôt que le Planning Familial, aide le Secrétaire à la Santé à rédiger les règlements pour l’ACA. Estimant que la légitime défense sauve des vies et qu’il serait bon que les citoyens soient armés, la NRA a convaincu le Secrétaire à la Santé d’inclure la fourniture de deux armes à feu et des balles nécessaires dans le plan de protection santé fourni aux salariés par leurs employeurs. Les familles quakers détenant une entreprise objectent que cela implique qu’ils fournissent des instruments de guerre à leurs employés, une violation claire de leurs croyances pacifistes. Ils suggèrent que le gouvernement fournisse lui-même directement ces armes aux employés, sans y impliquer les employeurs quakers. Sans égards pour la riche tradition théologique des quakers, le gouvernement répond en insinuant que les quakers s’opposent à l’auto-défense et ne veulent pas « sauver des vies ». En fait, les gouvernement dit que l’opposition des employeurs quakers au mandat HHS est l’équivalent d’interdire à leurs salariés de se défendre contre des criminels.
Quest-ce que cela a à voir avec Griswold et la loi abrogée ? Plus que vous ne pourriez croire. Voici le texte de la loi du Connecticut et la sanction pour ceux qui la violent :
Toute personne qui use de drogues, substances ou instruments médicaux dans le but d’éviter la conception pourra être condamné à une amende d’au moins 50 dollars ou emprisonné durant un laps de temps d’au moins 60 jours mais n’excédant pas une année. Il peut être condamné aux deux peines.
Toute personne qui aide, encourage, conseille, cautionne, défraie ou ordonne à une autre personne de commettre une infraction peut être poursuivie et punie de la même peine que le principal contrevenant.
En abrogeant la loi du Connecticut, la Cour a déclaré que la loi « ne pouvait être maintenue, dans la lumière du principe habituel, si souvent appliqué par cette Cour, à savoir qu’une résolution gouvernementale destinée à réguler ou empêcher des activités soumises constitutionnellement au contrôle de l’Etat ne peut être atteint par des moyens qui balaient inutilement large et ainsi empiètent sur le domaine des libertés protégées. »
La façon dont le Connecticut exerçait son contrôle, c’était de punir non seulement le contrevenant, mais toute personne « qui aide, encourage, conseille, cautionne, défraie, ordonne à une autre personne » de commettre l’infraction. Pour user du langage de la théologie morale catholique, la loi a inclus dans son champ d’application les personnes dont la coopération matérielle est telle que nul ne trouve étrange de dire qu’elles sont complices de l’activité interdite.
Ainsi, lorsque la Cour dit qu’il y a un droit constitutionnel à utiliser la contraception – c’est-à-dire un droit à en faire ou non usage -, ce droit est étendu à quiconque « aide, encourage, conseille, cautionne, défraie.. » Et par conséquent, dans l’affaire que la présente Cour entendra le 25 mars, cela peut garantir les droits de la famille Green, propriétaire de Hobby Lobby en se référant simplement à l’affaire Griswold et en statuant que l’ordonnance du Secrétaire à la Santé a empiété sur cette liberté protégée qu’est la liberté religieuse.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-griswold-gambit.html
Francis J. Beckwith est professeur de philosophie et d’ecclésiologie à Baylor University.