Grippe : les raisons de la peur - France Catholique
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Grippe : les raisons de la peur

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Elle est passée par ici, elle repassera par là… La peur de la grippe A (ex-mexicaine, ex-porcine, ex-H1N1) déferle sur la planète. C’est le feuilleton de l’été. Alors que l’OMS a décrété « l’état de pandémie mondiale », son stade d’alerte maximal, pour la première fois depuis 41 ans, les gouvernements, ne sachant plus s’il faut alerter ou calmer le jeu, sont réduits à souffler le chaud et le froid. Outre-Manche, les sujets britanniques sont plombés par les salves d’instructions antinomiques : « Évitez de voyager, éloignez-vous des foules et différez vos grossesses ! », conseillent les uns. « Vivez comme avant ! », supplient les autres. Les tabloïds s’en donnent à cœur-joie.
Il faut reconnaître que les informations les plus contradictoires ont circulé à propos du nouveau virus. Il fut un temps soupçonné d’être plus mortel que morbide : très grave mais rare. On le présente désormais comme plus morbide que mortel : terriblement contagieux mais curable. Le Tamiflu serait le sauveur. De toutes les façons, disent les sceptiques, chaque grippe prélève son lot de personnes fragiles.

Heureusement, la France dispose de l’un des systèmes de santé les plus performants au monde. C’est la contrepartie de l’énorme coût de sa protection sociale. Il y a pourtant ceux qui s’alarment, tel ce praticien marseillais avertissant sur les ondes : « La France n’est pas prête. » D’autres entendent rassurer, à l’image de Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, affirmant, le jour où elle annonce vouloir détourner l’accueil des malades des urgences vers les généralistes : « J’ai confiance en la médecine de ville et j’ai besoin d’elle. » Confiance soit. Mais puisqu’on ne peut faire autrement, ces propos apaisants peuvent inquiéter. D’ailleurs, pourquoi, nous demande-t-on soudain d’aller voir nos généralistes, tout en les exhortant à organiser des flux séparés pour ces malades-là ? Est-ce plus parce que les urgences sont incapables d’absorber les millions de malades qui se profilent que parce que le virus serait devenu bénin ? De toute façon, quand une grande peur est en jeu, tout concourt à l’alimenter.
Ainsi le rapport spécial du sénateur Jean-Jacques Jégou qui liste le stock de défense hexagonal : 33 millions de doses d’antiviraux, 1 milliard de masques anti-projection et bientôt 1 milliard de masques de protection. Quant au vaccin, 94 millions de doses sont déjà commandées. Problème : elles arriveront essentiellement après le pic pandémique… Il faut deux injections à trois semaines d’intervalle pour être protégé six semaines plus tard.

Derrière la peur initiale, enfle la peur… d’avoir peur. Certains estiment déjà que le problème sera économique plus que sanitaire. Un grand spectacle prévu à l’automne au stade de France est annulé. La Banque Mondiale estime que la pandémie va provoquer une baisse du produit intérieur brut de 0,7% à 4,8%. Ce type d’aléa, c’est ce que déteste l’économie. Défi pour les entreprises, on craint un absentéisme de 25 à 40% au plus fort de la crise.

Au moins, le feuilleton de la peur alimente le commerce médiatique. Les adultes raffolent de fin du monde, comme les enfants de contes horribles. L’inconscient collectif semble hanté par la peste noire qui débarqua en Europe en 1347, provoquant un crash démographique.
Est-ce depuis ce cataclysme que nos gènes sont marqués par la terreur de la contagion, de la promiscuité, de l’étranger ? Les images de crémation des corps contaminés nous hantent. Déjà se rejoue avec la grippe A l’impossible imbroglio des mises en quarantaine, avec son lot d’injustice, d’absurdité et de retournement de situation. Comme lors du coup de canicule de 2003, les gouvernants sont mis sur la sellette, accusés d’impuissance.

Car la mondialisation virale n’a rien à envier à la mondialisation économique. Feu la grande peur nucléaire ; exit la menace de l’explosion démographique qui s’est d’ailleurs inversée ; même le réchauffement climatique qui tenait la corde – malgré les contestations raisonnées d’un Claude Allègre – est passé au second plan. Certes, les récentes angoisses sanitaires ont pour le moment fait flop : ni l’encéphalopathie spongiforme bovine (maladie de la vache folle), ni le SRAS (grippe aviaire), n’ont décimé les populations (littéralement prélever un homme sur dix). Seul le Sida s’est révélé d’une ampleur catastrophique, mais pas vraiment en Europe. Chacun de ces virus a fait couler des flots d’encre glaciale.
Tout cela ne nous dit pas ce qu’il adviendra à l’automne : cette grippe-là tiendra-t-elle ses promesses apocalyptiques ? Principe de précaution oblige – ou crainte du déni – il est du devoir des gouvernants et des autorités sanitaires mondiales de tout faire pour enrayer à la fois l’hécatombe et la panique. Ainsi s’expliquent leurs discours d’équilibristes, vite dépassés par les faits. Pour tous ceux qui n’ont rien d’autre à faire que d’observer, la sagesse impose comme maxime anxiolytique : « À chaque jour suffit sa peine » (Mt 6, 34).