GPA : Les enjeux de la gestation pour autrui à l’international - France Catholique
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GPA : Les enjeux de la gestation pour autrui à l’international

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Le 15 mars prochain à Paris, le Conseil de l’Europe tient une importante réunion sur la GPA.

La commission des questions sociales de l’Assemblée parlementaire doit examiner un projet de rapport « Droits humains et questions éthiques liées à la gestation pour autrui », en vue d’un vote en séance plénière qui pourrait avoir lieu entre le 18 et 22 avril 2016 à Strasbourg. Cet évènement intervient alors que des évolutions importantes ont lieu au niveau international ces derniers mois.

En Europe, le débat tente de distinguer deux formes de GPA : la GPA « commerciale » est clairement combattue, mais certains défendent la possibilité d’accepter la GPA dite « éthique » (c’est-à-dire sans rémunération apparente).

Pourtant, la réalité vécue dans les pays qui pratiquent la GPA payante ou gratuite prouve que celle-ci ne peut jamais être éthique : dans tous les cas, par sa nature même, elle instrumentalise le corps de la femme et viole gravement les droits de l’enfant, considéré comme une marchandise que l’on peut vendre, acheter ou donner. On peut parler de « nouvel esclavage des temps modernes »

>> En savoir plus : les enjeux de la GPA en France.
Le Chiffre

100 000 citoyens européens, alertés sur la tournure récente des débats au Conseil de l’Europe, ont signé l’appel de No Maternity Traffic pour demander l’interdiction universelle de la GPA.

Position récentes d’organismes internationaux

1. Débats en cours au Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe regroupe 47 Etats, de l’Islande à Vladivostok, et 820 millions d’habitants. Cette instance, dont le siège est à Strasbourg, a pour objet principal de défendre et promouvoir les droits de l’homme. Son Assemblée parlementaire (APCE) est composée de représentants des Parlements de chaque pays. A titre d’exemple, la délégation française à l’APCE comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

La proposition de résolution initiale de 2014 dénonçant les dangers de la GPA

A l’initiative de 23 parlementaires provenant de 11 pays différents, ce qui prouve sa représentativité, une proposition de résolution a été déposée à l’APCE le 1er juillet 2014, intitulée « Droits de l’homme et questions éthiques liées à la gestation pour autrui » (Doc. 13562).

Ce texte dénonce clairement les dangers de la GPA : « La gestation pour autrui porte atteinte à la dignité humaine de la femme enceinte, dont le corps et la fonction de procréation sont utilisés comme une marchandise. (…) La pratique de la gestation pour autrui porte aussi atteinte aux droits et à la dignité humaine de l’enfant, parce qu’elle a pour effet de faire du bébé un produit. (…) Les accords de gestation pour autrui font du bébé une marchandise destinée à être achetée et vendue. » Et les parlementaires concluent : « L’Assemblée parlementaire devrait examiner plus attentivement les questions découlant de la pratique de la gestation pour autrui, en particulier ses liens avec la santé génésique des femmes, la traite des êtres humains et les droits des enfants, et réfléchir à des outils pour traiter ce problème. »

L’enjeu majeur de cette initiative, pour les partisans d’une interdiction totale de la GPA, est de parvenir à une convention internationale qui puisse être signée par tous les pays européens, au même titre que d’autres conventions qui garantissent le respect des droits de l’homme dans un domaine précis (par exemple, la convention d’Oviedo de 1997 dans le domaine bioéthique, qui a notamment interdit le clonage humain).

Le conflit d’intérêt du rapporteur

L’Assemblée parlementaire a décidé à l’automne 2014 d’inscrire à son ordre du jour cette proposition de résolution. La procédure conduit alors à nommer un rapporteur, qui étudie la question et propose d’adopter un rapport, d’abord en commission, puis en séance plénière.

Un rapporteur a été choisi le 28 janvier 2015 par la commission des questions sociales, santé et développement durable : il s’agit d’une sénatrice belge, Petra de Sutter. Celle-ci a commencé ses travaux pour élaborer un projet de rapport, avec une orientation qui pourrait se révéler favorable à un encadrement de la GPA. Mais au cours d’une réunion de la commission le 23 novembre 2015 un conflit d’intérêt majeur concernant cette personne a été mis en lumière, entrainant le report de l’examen du texte et des tensions importantes.

2. La condamnation récente du Parlement européen

L’Union européenne regroupe 28 Etats membres et environ 500 millions d’habitants. La commission des affaires juridiques du Parlement européen avait demandé à une quinzaine d’experts de dresser un état des lieux de cette pratique. Cette étude, présentée le 8 juillet 2013 aux parlementaires européens met en lumière la grande diversité des situations au regard de la GPA :

7 pays en interdisent le principe, tout en reconnaissant parfois certains effets sur la filiation (la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Bulgarie) ;

2 pays l’autorisent explicitement et encadrent son exercice : le Royaume-Uni (à titre gratuit seulement), et la Grèce. La Roumanie avait voté une loi en 2004 qui n’a jamais été promulguée.

La plupart des autres pays n’ont pas de législation spécifique dans ce domaine, ce qui laisse la place à des tolérances plus ou moins affirmées, comme par exemple en Belgique ou aux Pays-Bas.

Le 17 décembre 2015, le Parlement européen a voté à une large majorité son « Rapport annuel de 2014 sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde et la démocratie dans le monde ». Pour la première fois, ce rapport a introduit une condamnation très ferme de la pratique de la gestation par autrui et demande son interdiction générale.

Le point 114 du rapport, dans le chapitre sur les droits des femmes et des jeunes filles, « condamne la pratique de la gestation pour autrui qui va à l’encontre de la dignité humaine de la femme, dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises; estime que cette pratique, par laquelle les fonctions reproductives et le corps des femmes, notamment des femmes vulnérables dans les pays en développement, sont exploités à des fins financières ou pour d’autres gains, doit être interdite et qu’elle doit être examinée en priorité dans le cadre des instruments de défense des droits de l’homme ».

3. Le dernier rapport de la Conférence de La Haye de droit international privé sur la Filiation/ Maternité de substitution

La Conférence de La Haye de droit international privé (HCCH selon les initiales anglaises) est une organisation intergouvernementale mondiale qui regroupe 79 Etats et l’Union européenne. Elle pour but l’harmonisation des règles de droit international privé au niveau mondial. Elle a déjà élaboré une trentaine de conventions internationales, comme par exemple la Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Depuis 2011, cet organisme s’est donné la mission d’étudier les conséquences de la GPA sur le statut des personnes, notamment les questions de filiation des enfants, quand ils sont l’objet d’un contrat entre des adultes de pays différents. L’objectif poursuivi est d’envisager un traité international permettant d’harmoniser les règles applicables dans ce domaine.

Le dernier rapport du groupe d’experts sur la Filiation / Maternité de substitution, réuni en février 2016, constate une quasi-impossibilité d’aboutir à des positions communes, tant les problèmes sont multiples et les positions opposées : « le Groupe conclut qu’en raison de la complexité du sujet et de la diversité des approches des Etats à cet égard, les débats n’ont abouti à aucune conclusion définitive concernant l’opportunité d’élaborer un outil dans ce domaine (…) et estime que les travaux doivent se poursuivre ».
Évolution récente de plusieurs pays étrangers

Plusieurs pays, parmi les plus impliqués dans le business de la GPA, ont pris ces derniers mois des décisions importantes pour interdire ou limiter fortement le recours à la GPA pour les étrangers :

La Thaïlande était l’une des principales destinations du tourisme procréatif, avec plus de 100 établissements privés spécialisés dans ce commerce et des coûts trois fois moindre qu’aux Etats-Unis (de l’ordre de 50 000 $, contre 150 000 $). Après plusieurs scandales récents, dont celui du petit garçon trisomique Gammy abandonné par le couple australien commanditaire, le Parlement thaïlandais a voté une loi qui interdit aux couples étrangers d’avoir recours aux services d’une mère porteuse, avec effet au 30 juillet 2015. En cas d’infraction, la peine peut aller jusqu’à 10 ans de prison et 200 000 baths d’amende (environ 5 000€). Les conditions d’une GPA pour des couples thaïlandais sont également devenues plus strictes.

L’Inde avait légalisé en 2002 le commerce des mères porteuses rémunérées. On estime que plus de 3 000 « usines à bébés » se sont spécialisées dans cette activité, avec des prix très bas compte tenu de la pauvreté extrême dans ce pays. Dans une déclaration d’octobre 2015, le gouvernement indien a affirmé qu’il « ne soutient pas la maternité de substitution commerciale » et il compte l’interdire aux étrangers. Un projet de loi devrait être déposé prochainement. Fin 2012, l’Inde avait déjà interdit aux célibataires et aux couples de même sexe étrangers de recourir à des mères porteuses.

Le Népal ne disposait pas de réglementation précise sur la GPA, et était devenu une destination prisée après l’Inde et la Thaïlande. Le terrible séisme d’avril 2015 a par exemple révélé un trafic d’enfants particulièrement important vers Israël. Fin août 2015, la Cour Suprême du Népal a annoncé que tous les programmes de GPA étaient temporairement bloqués, en attendant une décision définitive.

Le Mexique était également considéré jusqu’à présent comme un « eldorado » de la GPA pour les commanditaires étrangers, en couple ou célibataires. L’Etat de Tabasco, le seul Etat mexicain qui tolère cette pratique, a voté fin 2015 la possibilité de restreindre cet accès aux seuls couples mexicains dont la femme peut apporter la preuve médicale de son incapacité physiologique à porter un enfant.

En Suède, une enquête gouvernementale sur la maternité de substitution a été remise fin février 2016 au Parlement, qui devrait prochainement l’approuver. Ce rapport conclut à l’interdiction des GPA, qu’elles soient « commerciales » ou « altruistes ». La Suède envisage également de prendre des mesures pour empêcher les citoyens de se rendre dans des cliniques à l’étranger.

En Belgique, où la GPA n’est ni autorisée ni interdite, mais tolérée à certaines conditions, un rapport d’initiative du Sénat (qui n’a plus de compétence législative depuis 2014) a été rendu public en décembre 2015, étudiant différentes modalités possibles de « coparentalité ». Si l’ensemble des partis belges rejette le principe de la GPA en contrepartie d’une rétribution commerciale, il subsiste un débat non tranché sur l’encadrement éventuel de cette pratique.
Coup de coeur

La pétition internationale No Maternity Traffic demande au Conseil de l’Europe de s’engager pour l’interdiction effective de toute forme de gestation pour autrui. Elle sera remise dans les prochains jours au Conseil de l’Europe.
L’Union Internationale pour l’Abolition de la Gestation pour Autrui (International Union for the Abolition of Surrogacy), qui a lancé cette initiative est soutenue et relayée par l’Agence Européenne des Adoptés, l’Appel des professionnels de l’enfance, Alliance VITA, Care for Europe, la FAFCE, European Center for Law & Justice, Fondazione Novae Terrae, La Manif Pour Tous, Human Dignity Watch, U Ime obitelji …

Coup de gueule

Petra de Sutter a été choisie comme rapporteur pour la résolution sur la GPA, au sein de la commission des questions sociales de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (voir plus haut). Cette parlementaire est médecin gynécologue et pratique des GPA en tant que directrice du service de médecine reproductive de l’hôpital de Gand, en Belgique. Or elle n’avait pas, comme le règlement du l’APCE l’y oblige, déclaré ce conflit d’intérêt lors de sa nomination. De plus, le collectif français CoRP a mis en lumière que la clinique indienne Seeds of Innocence, dont le business est de commercialiser des GPA, fait état d’une « clinical collaboration » avec elle, bien qu’elle s’en défende.

Au cours d’une nouvelle réunion houleuse le 27 janvier 2016, la commission des questions sociales a refusé d’examiner sur le fond ce conflit d’intérêt, grâce à un artifice de procédure : elle « a décidé (par un vote à main levée) de ne pas procéder à un vote sur la possibilité de démettre la rapporteure de ses fonctions ».

Ces manœuvres doivent être dénoncées, car elles prouvent que des enjeux politiques et économiques viennent s’immiscer dans un débat qui devrait rester au contraire sur le seul terrain des droits de l’homme.

POUR ALLER PLUS LOIN

Se mobiliser pour stopper la GPA en Europe : vidéo de Caroline Roux, 26 février 2016

Des Assises pour l’abolition de la GPA.