Le pape François a-t-il changé d’avis à propos de l’accueil des migrants dans nos pays d’Europe ? Il n’est pas irrespectueux de se poser la question. On le savait plutôt radical par rapport à l’exigence évangélique qui impose de se porter au secours de ceux qui fuient la guerre et la misère. N’avait-il pas prêché par l’exemple, en accueillant lui-même trois familles musulmanes à Rome, choisies sur l’île grecque de Lesbos, où il s’était rendu en avril dernier ? Cette initiative lui avait valu des critiques parfois amères, de la part de ceux qui lui avaient reproché de n’avoir ramené aucun chrétien. Mais il était déjà significatif que les trois familles en cause aient été immédiatement prises en charge par la communauté Sant’Egidio, qui les avait orientées vers une démarche d’intégration à Rome même, ne serait-ce qu’en les initiant sans tarder à la langue italienne.
Il ne suffit pas de recevoir. Il faut savoir accueillir et plus encore intégrer. Pour la première fois, dans l’avion qui le ramenait de Suède le jour de la Toussaint, le Pape a précisé soigneusement sa pensée, en mettant en cause le paramètre de la capacité réelle d’un pays à intégrer les réfugiés qu’il reçoit. L’intégration suppose, a-t-il dit, de pouvoir offrir « une maison, un travail, une école, l’apprentissage de la langue ». Faute de cela, il y a risque de ghettoïsation des gens accueillis. « Une culture qui ne se développe pas par rapport à une autre culture, c’est dangereux. » De plus, il est périlleux de recevoir plus de personnes au-delà de celles qu’on peut intégrer.
Ces propos ne sont pas vraiment surprenants, mais ils étaient attendus en complément de l’appel vibrant que François avait lancé en faveur des dernières vagues de migration. Le fait que le Pape se soit exprimé à propos de l’exemple suédois est particulièrement significatif, car la Suède est le pays d’Europe qui a consenti le plus d’efforts dans le sens de l’accueil aux migrants, mais elle est aujourd’hui contrainte de limiter sa générosité du fait de l’obstacle de ses possibilités d’intégration. François loue les Suédois pour leur générosité, mais il ne peut les blâmer pour leur prudence. À tous d’en tirer les leçons et d’envisager des solutions rien moins qu’évidentes !
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 3 novembre 2016.