François Hollande s’est donc rendu samedi dernier au Mont-Saint-Michel, que de grands travaux ont rendu à son caractère vraiment maritime. Il a sacrifié au rite présidentiel du bain de foule, ce qui n’étonne pas en ce lieu éminemment touristique. Puis il s’est rendu dans la célèbre auberge de la Mère Poulard, pour déguster la délicieuse omelette dont la réputation est désormais liée à la légende du Mont. Faute de temps peut-être, le président n’a pas souhaité monter jusqu’à l’abbaye. C’est dommage pour lui, car comment goûter vraiment la grandeur du lieu, son caractère le plus essentiel, sans pénétrer jusque dans le sanctuaire, entouré de ses sublimes bâtiments conventuels ? Je vois mal François Mitterrand faire l’impasse sur la visite du cœur même de la merveille de l’Occident.
François Mitterrand, précisément, dont le président a rappelé le souvenir en mentionnant qu’il était venu au Mont-Saint-Michel « pour s’imprégner de spiritualité ». Et d’ajouter que « c’est une immense fierté d’être saisi comme chacun d’entre nous par la même émotion, le sentiment d’être habité par l’esprit qui habite ce lieu ». Il est suffisamment rare d’entendre François Hollande dans ce registre là, le voir saluer « un haut lieu de la spiritualité européenne, l’un des plus célèbres lieux de la chrétienté », pour ne pas saisir l’occasion. Bien sûr, il n’a pas été aussi loin que Nicolas Sarkozy dans ses allocutions célèbres du Latran et du Puy-en-Velay. Mais lui qui est si coriace dans sa carapace laïque, aura tout de même esquissé comme un léger geste de connivence. En se réclamant encore du Mitterrand qui, dans ses derniers vœux présidentiels de 1994 avait affirmé sa foi dans « les forces de l’esprit ».
La formule est sans doute un peu vague. Elle a le mérite d’entrouvrir la porte à un ordre qui dépasse celui, strict, de la politique et qui n’en appartient pas moins à notre patrimoine historique. À la veille de la Toussaint il n’était pas superflu d’entendre encore que la force de la France tient à l’esprit qui souffle en ce lieu. Mais s’il s’est abstenu de franchir la porte du sanctuaire, le président François Hollande aura tout de même salué le porche du mystère, qu’il appartient à d’autres de reconnaître vraiment en esprit et en vérité.