Le Pape se rendra donc en Suède le 31 octobre prochain, où il rencontrera le révérend chilien Martin Junge, secrétaire général de la Fédération luthérienne, à l’occasion des cinq cents ans de la réforme protestante. La Suède est d’évidence un pays à forte majorité luthérienne (en dépit d’une très faible pratique religieuse), dont l’histoire a été profondément marquée par la Réforme. Pourquoi la Suède plutôt que l’Allemagne, patrie de Martin Luther ? L’explication avancée est que Benoît XVI s’est déjà rendu sur les pas de Luther a Erfurt. Il s’agirait de prendre quelque distance avec la célébration en Allemagne, pour que le Pape n’absorbe pas, en quelque sorte, toute la lumière sur lui, en laissant nos frères luthériens présider eux-mêmes l’anniversaire de la Réforme.
Déjà, des critiques s’élèvent du côté traditionaliste contre cette initiative papale, eu égard à la distance qui sépare l’Église catholique du protestantisme aujourd’hui. Mais François n’ignore rien de cette distance, et de ce qui a pu encore la creuser ces dernières années, notamment en Suède. Cela ne justifie pas l’abandon du souci de l’unité, qui n’est pas quelque chose de secondaire dans les objectifs ecclésiaux. Encore faut-il savoir exactement de quoi il s’agit. La rencontre entre chrétiens, sous l’égide de l’œcuménisme, n’obéit pas à des règles formelles d’ordre diplomatique. Elle se justifie par la recherche exigeante de l’héritage authentique, dont nous devrions être solidairement responsables. Le dialogue œcuménique est une sorte de discipline théologique et spirituelle, qui requiert des connaissances très ciblées, d’autant que nos Églises séparées ont connu des développements parallèles durant cinq siècles, dans le cas de la Réforme.
Un théologien catholique, d’autant plus averti de la pensée de Luther qu’il venait lui-même du protestantisme, le père Louis Bouyer, expliquait que l’intuition initiale de Luther n’était pas du tout critiquable en elle-même, puisqu’il s’agissait de retrouver dans toute sa force un Dieu qui nous sauve gratuitement, sans que nous puissions prétendre au Salut qu’il nous apporte. C’est cette intuition qu’il faudrait retrouver dans toute sa force, pour percevoir ensemble les profondeurs de l’Amour dont nous sommes aimés.