Le pèlerinage que le pape François accomplit en Terre sainte, sous le signe de l’unité et de la Paix, n’échappe pas aux réalités d’une région profondément meurtrie, où les conflits, lorsqu’ils n’ont pas été portés à l’incandescence comme en Syrie, peinent à trouver leurs solutions diplomatiques. Il est trop évident qu’en un si bref séjour, François ne pourra changer la situation des pays qu’il visitera. Sa seule ambition est d’apporter un témoignage de foi qui rapproche les cœurs et invite les peuples et les familles spirituelles à se réconcilier plutôt qu’à attiser leurs motifs de division. En ce sens, l’occasion de ce pèlerinage, qui est de commémorer le cinquantenaire de la rencontre mémorable de Paul VI et d’Athénagoras à Jérusalem, constitue un point de repère précieux. Il n’est pas vrai que la bonne volonté, qui a inspiré aux hommes de Dieu l’initiative des retrouvailles, n’a pas eu de résultat sensible. Une nouvelle ère s’est ouverte avec la rencontre de Rome et de Constantinople en janvier 1964, et le baiser de paix échangé entre le pape et le patriarche signifiait une disposition intérieure qui a marqué durablement l’ethos des communautés chrétiennes 1.
Sans doute, même entre catholiques et orthodoxes le plein accomplissement de la communion de foi n’est pas parvenu à son terme, selon le souhait exprimé par Athénagoras : « L’heure du courage chrétien est arrivée. Nous nous aimons les uns les autres ; nous confessons la même foi commune ; unissons-nous sur le chemin du saint autel commun. » L’accès à cet autel est toujours en attente, mais une attente qui correspond à un désir profond. C’est François et Bartholomée, qui ont, cette fois, la mission de raviver l’espérance avec le projet de leurs prédécesseurs. Malheureusement, les chrétiens de Terre sainte ne donnent pas toujours l’exemple qu’on pourrait attendre des témoins du Christ, du moins dans les relations inter-confessionnelles. Le fait que tous se rassemblent au Saint-Sépulcre pour s’exprimer dans une prière commune est un signe encourageant. Y aura-t-il d’autres signes d’un rapprochement entre tous ceux qui cohabitent sur cette terre ? Une conclusion positive des négociations depuis longtemps en cours entre l’État d’Israël et le Saint-Siège sur des questions matérielles serait à l’avantage d’un meilleur climat local, qui pourrait se répercuter plus largement.
Nécessairement, les regards se portent sur la Syrie voisine et la guerre civile impitoyable qui s’y poursuit. Le pape, en emmenant avec lui deux amis argentins, un juif et un musulman, qu’il connaît de longue date, entend montrer que la rencontre entre les trois religions peut être le point de départ d’une démarche qui, progressivement, pourrait modifier l’équilibre incertain et meurtrier des rapports de force.
- Métropolite Emmanuel, cardinal Kurt Koch, L’esprit de Jérusalem. L’orthodoxie et le catholicisme au XXIe siècle, Éditions du Cerf.
Pour aller plus loin :
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Vous avez dit « violence catholique » ?
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918