Adolescent Maurice Calmein fut arraché à son Algérie natale. Cette blessure lui a donné le courage de lutter sans cesse pour la défense de la mémoire de l’Algérie Française. Il fut cofondateur et animateur du « Cercle algérianiste » qui s’attache à la conservation de la culture
Pieds-Noirs. En 2002 il a publié avec madame Christiane Lacoste : « Dis, c’était comment l’Algérie Française ? ». Ce petit livre adressé à de jeunes Français d’aujourd’hui évoque, simplement, ce qu’était l’Algérie Française avant l’indépendance. Comment cet étrange mélange , d’espagnols, de maltais d’Italiens, d’anciens révolutionnaires parisiens de 1848, d’Alsaciens-Lorrains fuyant la défaite de 1870 , de musulmans et de juifs autochtones transforma en 132 ans des friches et des marais en pays prospère. Ils firent les routes, les ponts, les voies ferrées, les hôpitaux, les églises et la plupart des mosquées. La population fut multipliée par cinq.
Au moment ou nous commençons à vivre le cinquantième anniversaire de la fin des « événements » d’Algérie , Maurice Calmein dans « Les Français d’Algérie 50 ans après » rappelle avec érudition et émotion, la tragédie que vécurent plus d’un million d’Européens et des centaines de milliers de musulmans poussés hors de leur pays après le cessez- le -feu du 19 mars 1962 et mal accueillis en France. Il nous fait comprendre que les Pieds-Noirs et les musulmans fidèles à la France souffrent de se sentir ignorés, mal aimés, calomniés par les médias, les historiens , les manuels scolaires. Pour l’opinion dominante tous les musulmans étaient favorables au F.L.N.. Or en 1961, 246 000 servaient dans l’armée française ou à ses côtés, d’autres acceptèrent des fonctions électives ; des dizaines de milliers moururent pour la France. Si les événements du métro Charonne sont dans la mémoire française qui se souvient que le 26 mars 1962 , rue d’Isly à Alger, une semaine après le cessez le feu, l’armée française tira sur la foule fidèle à l’Algérie Française faisant 86 morts et des centaines de blessés ? Qui se souvient qu’à Oran le 5 juillet 1962 des centaines de personnes furent tuées , enlevées, sans que l’armée française n’intervienne ? Entre le cessez-le- feu, le 19 mars et le 1er novembre, quelque 2000 Pieds-Noirs et 100 000 musulmans fidèles à la France furent assassinés ou enlevés. Pourquoi la participation massive des différentes communautés d’algériens à la seconde guerre mondiale est-elle passée sous silence ? Pourquoi la directive déshonorante de Louis Joxe interdisant en 1962 d’embarquer les harkis, et ses conséquences effrayantes , est-elle ignorée des défenseurs des Droits de l’Homme.
Si la mémoire des victimes de l’O.AS est honorée sans problème, celle de ceux qui sont morts pour que l’Algérie demeure française donne lieu à des contestations violentes et interminables. Ainsi le monument de Marignane fut construit par une municipalité, démolit par une autre et reconstruit par une troisième ! Certaines discriminations ont un aspect ridicule. En août 2011 une marche de harkis et de Pieds-Noirs quitta Montpellier pour Paris. Le premier soir ils arrivèrent à Lunel. Le maire refusa de leur donner un abri et… d’utiliser les toilettes.
Maurice Calmein envisage l’avenir des cimetières des Européens et celui des archives, il présente la presse Pieds-Noirs, les sites internet, les nombreuses amicales et associations.
Les Pieds-Noirs dit-il ont un grand besoin de se réunir et un goût prononcé pour la dispersion.
Dans les dernières pages l’auteur reconnaît qu’un nouveau paysage se dessine. Dès 1992 l’association « Pieds-Noirs pour l’Algérie » envisageait un avenir possible en Algérie pour les Pieds-Noirs et les Harkis. En 2003 Georges-Marc Benamou, journaliste de gauche , a publié : « Un mensonge d’État », une contre-enquête honnête sur les mensonges et les crimes de l’Etat français et du F.L.N. Maurice Calmein cite le chef historique du F.L.N. Hocine Aït Ahmed : « Chasser les Pieds-Noirs a été plus qu’un crime, une faute… avec les Pieds-Noirs et leur dynamisme… L’Algérie serait aujourd’hui une grande puissance. Hélas !… » .Il cite aussi le grand romancier Boualem Sansal, auteur du magnifique « Le Village de l’Allemand » : « En un siècle, à force de bras les colons ont d’un marécage infernal, mitonné un paradis lumineux. Seul l’amour pouvait oser pareil défi… J’espère, maintenant que nous entrons dans la cinquantième année de l’indépendance, que nous pourrons, de part et d’autre regarder notre histoire commune comme une grande et extraordinaire histoire et profiter des innombrables leçons qu’elle porte en elle.
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