« J’ai rencontré Dieu à 17 h 10 ». Quelle précision de métronome pour raconter l’ineffable ! C’est en effet à cette heure-là, le 8 juillet 1935, qu’André Frossard entre dans la chapelle des religieuses de l’Adoration réparatrice, rue Gay-Lussac à Paris, pour y chercher un ami. Le jeune homme s’est en fait trompé de trottoir. Dans son ouvrage Dieu existe, je l’ai rencontré, paru en 1969, il raconte que son regard passe alors de l’ombre à la lumière, des fidèles aux religieuses. Il s’arrête sur la deuxième bougie qui brûle à gauche de la croix. Sans le savoir, il est face au Saint-Sacrement et, « en un instant », « une série de prodiges inépuisables vont démolir l’être absurde que je suis, pour faire naître le garçon stupéfié que je n’ai jamais été ».
Moyen inouï de communication
Il sent d’abord les mots « vie spirituelle », comme soufflés à voix basse. Puis une grande lumière… « Un monde, un autre monde… Dieu existe, il était présent, révélé, caché par cette lumière qui sans discours ni images faisait comprendre ce qu’est l’Amour. » André Frossard analyse alors instantanément ce qu’est l’Eucharistie : « J’étais stupéfait que la charité divine ait trouvé ce moyen inouï pour communiquer. Et surtout qu’il ait choisi le pain pour le faire. Le pain qui est l’aliment du pauvre et celui préféré des enfants. » Le jeune homme âgé de 20 ans sortira de l’église cinq minutes à peine après sa conversion. Mais il sera définitivement autre : catholique, apostolique et romain, après être arrivé sceptique et athée d’extrême gauche, baignant dans le communisme de son père.
André Frossard n’est pas seulement bouleversé par la présence de Dieu, il l’est par Celui qui s’est imposé à lui comme la Vérité : Jésus-Christ. « Que puis-je faire, dira-t-il plus tard, si le catholicisme est vrai ? Si le Christ est la vérité qui veut être rencontrée ? C’est nous qui avons perdu la passion de convaincre, de témoigner, de convertir. »
De la Résistance à l’Académie
Après son coup de foudre spirituel, André Frossard demandera rapidement le baptême. Sa mère et sa sœur le suivront dans son chemin de foi. Résistant, arrêté par la Gestapo en 1943, il sera emprisonné à Montluc dans la sinistre maison des otages où était pratiquée la torture. Quand il entra à l’Académie française, le Père Robert-Ambroise-Marie Carré prononça son discours de réception en rappelant la vie de prière d’André Frossard dans ces circonstances terribles telles qu’évoquées dans l’un de ses livres : « J’étais chargé comme une pile, comme un transformateur. Je recevais du chagrin, de la peur, de la mort. Je rendais du sacrifice, de l’encens, de la folie. »
Dans ce même hommage, le Père Carré souligne l’amitié du pape Jean-Paul II pour André Frossard, née de l’analyse de sa conversion devant le Saint-Sacrement. S’adressant à l’écrivain, le Saint-Père expliquera que « sous l’effet intérieur de la lumière et de la puissance de Dieu, vous avez compris immédiatement votre identité. Vous avez mis au monde votre vrai moi ». Un moi qui fera écrire à André Frossard des paroles qui résonnent comme un magnifique testament : « Amour, pour parler de Toi, l’Éternité sera trop courte. »